Le capital décès est-il déductible des sommes versées par l’assurance
Arrêt du 23 janvier 2025 – Cour de cassation – Pourvoi n° 23-16.837
1. Une jurisprudence constante en la matière
Il est de jurisprudence constante que seules les prestations à caractère indemnitaire sont déductibles des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit.
Par conséquent, toute somme versée dont la finalité n’est pas strictement réparatrice ne saurait venir en déduction du droit à indemnisation de la victime.
La Cour de cassation a illustré ce principe dans plusieurs arrêts concernant la déduction, ou non, de certaines allocations au titre de la réparation intégrale du préjudice :
- Allocation de solidarité spécifique : Civ. 2e, 29 mars 2006, n° 04-06.063
- Allocation de retour à l’emploi : Civ. 2e, 3 juin 2010, n° 09-67.357
- Allocation aux adultes handicapés : Civ. 3e, 10 juill. 2008, n° 07-17.424
- Allocation d’éducation de l’enfant handicapé : Civ. 1re, 2 juin 2021, n° 20-10.995
- Allocation personnalisée d’autonomie : Civ. 1re, 24 octobre 2019, n° 18-21.339
2. Une jurisprudence en matière de capital décès : Cass 23 janvier 2025 – Pourvoi n° 23-16.837
S’agissant du capital décès, la situation varie selon l’origine et la nature de la prestation.
Ainsi, lorsque le capital est versé par un organisme de sécurité sociale, son montant doit être déduit de l’indemnisation du préjudice économique subi par le conjoint survivant.
En revanche, aucune déduction ne s’opère si la somme provient d’une assurance privée dans le cadre d’un contrat d’assurance de personne et qu’elle présente un caractère purement forfaitaire, étranger à toute logique indemnitaire.
La Cour de cassation a dégagé des critères clairs sur ce point. La Chambre criminelle a souligné que : « Seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant le dommage résultant d’une atteinte à la personne les sommes versées à titre indemnitaire ; que les prestations servies en exécution d’un contrat d’assurance de personne (…) revêtent un caractère forfaitaire et non pas indemnitaire, dès lors qu’elles sont indépendantes, dans leurs modalités de calcul et d’attribution, de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun ».
La cour de cassation dans son dernier arrêt « Cass 23 janvier 2025 – Pourvoi n° 23-16.837 » a précisé que :
(…) 9. Pour dire n’y avoir lieu à déduire de la somme allouée à [U] [P] en réparation de son préjudice économique l’indemnité d’assurance qu’il a perçue au titre d’un contrat d’assurance décès souscrit par [M] [P] en faveur de son fils, l’arrêt énonce que l’indemnité versée par un assureur, consécutive à un contrat d’assurance décès, ne vise pas à réparer un préjudice économique d’un bénéficiaire de la stipulation pour autrui mais ne résulte que de la simple exécution du contrat d’assurance, qui ne relève pas de l’énumération de l’article 706-9 du code de procédure pénale.
10. En statuant ainsi, alors que la CIVI doit déduire des sommes qu’elle alloue aux victimes par ricochet, outre les prestations et sommes dont la déduction est prévue par énumération de la loi, le capital décès versé en exécution d’un contrat d’assurance, dès lors que, au regard de ses modalités de calcul et d’attribution, celui-ci présente un caractère indemnitaire, la cour d’appel a violé le texte susvisé.(…)
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement, d’une part, en ce qu’il infirme le jugement en tant qu’il a alloué à Mme [J] en qualité de représentante légale de son fils [U] [P], la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice économique, d’autre part, en ce qu’il dit n’y avoir lieu à déduction de l’indemnité d’assurance perçue au titre de l’assurance décès souscrite par [M] [P] en faveur de son fils [U] [P], en ce qu’il alloue la somme de 30 000 euros à [U] [P] au titre de son préjudice économique, et en ce qu’il dit que le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions devra verser cette somme à Mme [J], en qualité de représentante légale de son fils mineur, l’arrêt rendu le 18 novembre 2022, entre les parties, par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion ;
« Le versement sous la forme d’un forfait, n’est pas déductible » Avocat dommages corporels
3. La clé d’analyse de déductibilité du capital déçès
Dans la même veine, la Deuxième Chambre civile a jugé qu’une prestation versée au titre d’un contrat d’assurance de personne n’avait pas à être imputée sur les sommes dues par le FGTI lorsqu’elle est calculée de façon indépendante du droit commun de la réparation.
L’aspect forfaitaire exclut toute assimilation à une prestation indemnitaire.
De même, la Chambre criminelle a confirmé qu’un capital décès versé dans le cadre d’un contrat de prévoyance collectif (même obligatoire) ne relevait pas de l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et ne pouvait être considéré comme indemnitaire au sens de l’article L. 211-25 du Code des assurances4.
Enfin, la juridiction administrative a adopté la même approche. La Cour administrative d’appel de Versailles a jugé que le capital décès versé par la MGEN au titre d’un contrat collectif n’avait pas à être soustrait de l’indemnisation du préjudice économique, faute de véritable caractère indemnitaire5.
En somme, la clé d’analyse porte sur le lien direct entre la somme versée et l’évaluation du dommage selon les règles de droit commun. Si la prestation reste forfaitaire et indépendante de la réparation intégrale, elle n’est pas déductible. Si, au contraire, elle vise à réparer le dommage de façon indemnitaire, elle devra être imputée.
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