INDEMNISER LE COÛT DE L’EMBAUCHE D’UN REMPLAÇANT DE LA VICTIME
indemniser charges sociales | indemnisation charges fiscales
La victime de la route, avant d’être une victime de la route, exerçait une profession. Au sein de ce poste, la victime, qu’elle soit salariée, indépendante ou autres, avait quelques obligations qu’elle ne peut abandonner du jour au lendemain. Se pose alors la question de l’indemnisation du coût de l’embauche d’un remplaçant de la victime de la route.
→ Cass. Civ. 25 juin 2020 n°19-18263 : Indemniser les charges sociales et les charges fiscales
Dans un arrêt Cass. Civ. 25 juin 2020 n°19-18263, la 2eme chambre civile a adopté le raisonnement de l’indemnisation de la tierce personne pour le calquer justement à l’indemnisation du coût de l’embauche d’un remplaçant de la victime de la route dans ses fonctions.
Enoncé sur moyen
7. M. W… fait grief à l’arrêt d’infirmer le jugement et de fixer son préjudice avant aggravation pour la perte de gains professionnels actuels à la somme de 58 506 euros, alors « que les pertes de gains professionnels actuels correspondent aux pertes de revenus éprouvées par la victime jusqu’au jour de sa consolidation ; qu’elles sont indemnisées sur la base des revenus salariaux ou tirés de l’activité professionnelle libérale, commerciale ou artisanale et appréciées en valeur nette hors incidence fiscale ; que la cour d’appel n’a pourtant accordé à M. W…, au titre des pertes de gains professionnels actuels, que l’indemnisation du surcoût engendré par l’embauche d’un mécanicien pour le remplacer, après déduction des charges sociales et fiscales, soit la somme de 58 506 euros ; qu’en procédant à une telle déduction, que le tribunal n’avait pas faite, la cour d’appel a violé les dispositions de l’ancien article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice. »
Réponse de la Cour
Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :
8. Pour fixer le préjudice avant aggravation au montant de 58 506 euros pour la perte de gains professionnels actuels, l’arrêt, après avoir relevé que M. W… avait repris son activité professionnelle au sein de la société en nom collectif dont il détenait 50 % du capital, mais cantonnée à la partie administrative alors qu’avant l’accident il assurait principalement les travaux de mécanique, énonce qu’il convient de retenir la somme de 58 506 euros correspondant à la perte de revenus liée à l’embauche d’un mécanicien pour remplacer la victime, après déduction des charges sociales et fiscales.
9. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que ces charges, assumées pour pourvoir au remplacement de la victime, étaient en lien direct avec l’accident, la cour d’appel a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l’arrêt attaqué fixant à la somme de 58 506 euros la perte de gains professionnels actuels entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions fixant les préjudices avant aggravation de M. W… au montant total de 158 466, 05 euros et condamnant solidairement M. H… et la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne, à payer à M. W… la somme de 167 726,90 euros ainsi que des dispositions relatives au recours de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants de Bretagne en sa qualité de tiers payeur, qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
La victime de la route qui a été empêchée professionnellement, à cause d’un accident de la route, devra nécessairement se faire remplacer.
Dans le cas d’espèce, la victime de la route était un mécanicien qui était associé dans une société. A cause de l’accident, la victime ne pouvait plus pratiquer la mécanique et se contentait alors de travailler les tâches administratives. La victime a dû alors embaucher un mécanicien pour la remplacer.
La cour d’appel avait accédé à la demande d’indemnisation de ce coût supplémentaire mais avec cette particularité surprenante : en déduisant les charges sociales et fiscales.
La cour de cassation a censuré au motif que les charges payées pour pouvoir remplacer la victime étaient en lien direct avec l’accident et qu’il fallait alors les indemniser également sur le fondement du principe de la réparation intégrale.
« La réparation intégrale des préjudices est le principe clé du droit du dommage corporel« Avocat dommages corporels
→ Evolution de la Jurisprudence en matière du coût de remplacement d’un travailleur, victime d’un accident de la route
La coût de cassation s’était déjà prononcée sur les charges fixes qu’il fallait inclure dans l’indemnisation de la victime (Cass. 2eme civ 13 septembre 2012 n°11-13139), ainsi que l’économie « en perte » réalisée grâce à un bénévole (Cass. 1ere, 22 mai 2019 n° 18-14063) pour se prononcer désormais sur le fait que toutes les charges, sociales ou fiscales, du coût d’un remplaçant de la victime devaient être prises en charge sur le même fondement.