FRAIS DE LOGEMENT ADAPTÉ AU HANDICAP
Indemnisation des frais de logement adapté au handicap après un accident de la route ?
→ Définition des frais de logement adapté ?
Les frais de logement adapté sont les frais dépensés par la victime gravement accidentée pour adapter son logement à son handicap afin de pouvoir continuer à « exister » et bénéficier ainsi, en théorie, d’un habitat en adéquation avec son handicap.
Pour rappel, la nomenclature DINTILHAC, définit le poste de préjudice de frais d’adaptation du logement, comme :
« Ces dépenses concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d’un habitat en adéquation avec ce handicap. Ce poste d’indemnisation concerne le remboursement des frais que doit exposer la victime à la suite de sa consolidation, dans la mesure où les frais d’adaptation du logement, exposés à titre temporaire, sont déjà susceptibles d’être indemnisés au titre du poste de préjudice « Frais divers ». Cette indemnisation intervient sur la base de factures, de devis ou même des conclusions du rapport de l’expert sur la consistance et le montant des travaux nécessaires à la victime pour vivre dans son logement. Ces frais doivent être engagés pendant la maladie traumatique afin de permettre à la victime handicapée de pouvoir immédiatement retourner vivre à son domicile dès sa consolidation acquise. Ce poste de préjudice inclut non seulement l’aménagement du domicile préexistant, mais éventuellement celui découlant de l’acquisition d’un domicile mieux adapté prenant en compte le surcoût financier engendré par cette acquisition.
En outre, il est possible d’inclure au titre de l’indemnisation de ce poste de préjudice les frais de déménagement et d’emménagement, ainsi que ceux liés à un surcoût de loyer pour un logement plus grand découlant des difficultés de mobilité de la victime devenue handicapée. Enfin, ce poste intègre également les frais de structure nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d’un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée ».
→ Que prévoit la loi en matière de frais de logement adapté ?
La loi n° 2005-02 du 11 février 2005 sur l’égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées est venue mettre en place des mesures en faveur de l’amélioration de l’habitat pour les victimes en situation de handicap.
Ainsi dans les logements neufs (et quelques mesures également pour les logements anciens), de nouvelles normes de construction ont été imposées pour favoriser la circulation de la personne handicapée (salle de bain, wc…).
° La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des chances et la citoyenneté des personnes handicapées a repris le principe de l’accessibilité des personnes handicapées au cadre bâti.
« Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté… »
» Les « personnes en situation de handicap, au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles, ou familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap » bénéficient d’une attribution prioritaire de logements sociaux.«
Cette loi permet alors aux victimes de la route en situation de handicap qui souhaitent accéder à un logement aménagé à leur handicap, d’atténuer les difficultés particulières propres à l’obtention d’un logement social.
Des règles d’attribution des logements sociaux des organismes d’HLM vont être fixées en intégrant dans la liste des personnes prioritaires les personnes «en situation de handicap» mais aussi les personnes «qui ont à leur charge une personne en situation de handicap».
D’autres textes permettent également aux personnes en situation de handicap d’accéder à un logement adapté à leur handicap.
→ Le rôle du médecin-conseil et de l’avocat dommages corporels vis à vis du poste des frais de logement adapté ?
Le binôme médecin-conseil / avocat dommages corporels ne sera pas de trop au moment de l’expertise médico-légale pour évaluer les frais de logement adapté.
En effet, le médecin expert aura la mission non pas d’évaluer financièrement ce poste, mais d’indiquer si la victime a besoin d’un logement adapté de manière temporaire ou définitive.
En revanche, pour avoir un rapport d’expertise complet, et envisager la nature de la prise en charge, l’avocat et le médecin-conseil de la victime en situation de handicap solliciteront l’intervention d’un sapiteur architecte et/ou un sapiteur ergothérapeute.
Même si le logement de la victime est déjà aux normes (PMR) la mission de l’expert et de ses sapiteurs consistera à vérifier si la victime en situation de handicap ne souffre d’aucune difficulté dans ce logement. L’appréciation s’effectue donc in concreto abstraction faite des normes existante.
Le même raisonnement doit être appliqué pour l’adaptation du logement de la personne en situation de handicap qui est mineure : le logement des parents sera adapté, puis celui de la victime lorsqu’elle deviendra majeure.
Cette adaptation sera vraisemblablement réalisée à l’aide de matériels technologiques innovants (robotique, domestique…) mais ces innovations ne pourront remplacer par exemple l’aide humaine ou tierce personne, pour des raisons de sécurité et humaines, pas même à notre sens, une diminution de ces derniers postes.
Selon l’ANADOC la mission de l’expert devra :
° décrire l’environnement géographique, social et familial de la victime
° décrire le projet de vie de la victime
° lister précisément les besoins de la victime par période temporaire ou permanente
→ Quelques exemples envisagés de frais d’adaptation de logement, non exhaustifs bien sûr :
° aménagement de la salle de bain en abaissant les meubles et en transformant une baignoire en une douche
° aménagement de la cuisine en abaissant l’électroménager, le plan de travail, la hauteur des fenêtres,
° aménagement des WC en abaissant lesdits wc et lavabo éventuel,
° modification des installations électriques afin de permettre la mise en place de quelques technologies de type éclairage automatique…
° mise en place d’une rampe d’accès pour fauteuils roulants sur chacun des escaliers
° l’installation éventuelle d’un ascenseur (et contrat d’entretien) ;
° les passages de portes élargis avec barres de seuil enterrées ;
° éventuelle domotique, même si nous privilégions toujours l’aide humaine (motorisation des ouvertures telles que les fenêtres, volets, et porte d’entrée, la porte du garage, l’installation d’un interphone, ou vidéophone,
° etc…
En effet, l’aménagement du logement doit permettre par exemple à la victime en situation de handicap de pouvoir aller à l’étage de sa maison pour aller embrasser ses enfants avant la nuit, voir pendant la nuit si ces derniers sont en bas-âge.
A LIRE : L’ERGOTHÉRAPEUTE ET SON BILAN SITUATIONNEL
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En théorie, car l’idée est de replacer la victime dans la situation où elle était avant l’accident dans son logement (résidence principale et secondaire) et nous savons tous que quelles que soient les démarches et initiatives cela sera toujours mieux, mais…. Cela ne sera jamais comme avant surtout si la victime est en situation de handicap lourd. Si l’objectif reste ambitieux, il faut alors mettre tous les moyens nécessaires pour l’atteindre.
« Il s’agit pour la victime de retrouver l’autonomie qu’elle avait avant l’accident dans le respect de sa dignité et de sa sécurité. » Avocat de victimes en situation de handicap
Les victimes de grand handicap (paraplégie, tétraplégie, traumatisme médullaire…) ne peuvent pas rester dans le logement qu’elles occupaient avant l’accident sans, au moins, procéder à des modifications d’agencement.
La multiplicité des situations existantes de la victime (victime propriétaire, victime locataire, ou victime hébergée par des proches) fait que le droit doit s’adapter et répondre à toutes les situations envisageables.
° Pour la victime propriétaire de son logement, il faudra envisager des frais d’aménagement s’ils sont réalisables. Envisageables ou pas, c’est le cas des WC par exemple, trop petits pour être aménagés afin qu’un fauteuil puisse y entrer et être manœuvré. A défaut de possibilité d’aménagement, c’est ici des frais d’acquisition qui seront envisagés.
° Pour la victime simplement locataire, il existe une difficulté à l’aménagement du logement. Les propriétaires acceptent rarement, voire jamais ce type d’adaptation puisque le logement serait alors inexploitable au départ de la victime, simple locataire. De la même façon, il est impensable pour la victime qui aurait obtenu l’accord de son propriétaire pour réaliser les travaux d’adaptation, qu’un congé puisse lui être donné par la suite avec l’investissement colossal nécessaire à l’adaptation au handicap.
La question d’un enrichissement personnel de la victime accidentée qui contreviendrait au principe de la réparation intégrale s’est effectivement posée puisque, selon ce principe, seuls les frais d’adaptation du logement et le « surcoût » de l’acquisition due au handicap seraient directement imputable à l’accident.
→ Les frais de logement adapté et l’évolution de la jurisprudence
Un arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 11 juin 2009 a apporté une pierre à l’édifice (Cass. Civ. 2e, 11 juin 2009, n° 08-11.127) avait affirmé que le coût d’acquisition d’un logement adapté au handicap de la victime devait être indemnisé lorsque les aménagements nécessaires à ce dernier étaient incompatibles avec le caractère provisoire d’une location. (Cass. Civ 2e, 3 novembre 2011, n° 10-26.997, 5 février 2015, n° 14-16.015 et 14 avril 2016, n° 15-16.625 et n° 15-22.147)
Un arrêt du 18 mai 2017 (Civ. 2, 18 mai 2017, n°1615912) s’inscrit dans la continuité de l’arrêt de 2009 et précise à nouveau les contours de cette jurisprudence développée.
Dans le cas d’espèce, la victime de 26 ans, vivait encore chez ses parents et n’avait alors pas de logement personnel au moment de l’accident.
Le principal argument du Fond de Garantie (FGAO) était que la victime aurait quitté le domicile familial même si l’accident n’était pas survenu », ce qui aurait été de nature à exclure l’indemnisation de l’acquisition d’un logement pour ne retenir que les simples aménagements.
La Cour de Cassation a considéré :
« Mais attendu qu’ayant relevé que M. T., qui était âgé de 26 ans au jour de l’accident, résidait au domicile de ses parents, lequel est devenu inadapté aux besoins de son handicap, que l’importance de ce handicap et l’usage permanent d’un fauteuil roulant justifient, selon le rapport d’expertise, des aménagements du logement suffisamment lourds pour qu’ils soient incompatibles avec le caractère provisoire d’une location, que le changement de lieu de vie n’est donc pas un choix purement personnel mais a été provoqué par les séquelles de l’accident, qu’il n’est d’ailleurs pas démontré que le coût financier de l’acquisition d’un immeuble déjà construit et de ses travaux d’adaptation soit inférieur à l’option prise par la victime de faire construire en tenant compte des contraintes matérielles de son handicap, que les frais que M. T. a dû engager pour acquérir un terrain et faire construire un logement adapté à son handicap sont directement imputables aux séquelles provoquées par l’accident, la cour d’appel en a exactement déduit que la victime devait être indemnisée des frais d’acquisition d’un logement adapté ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ».
Par conséquent, le fait que la victime était jeune et n’avait pas encore quitté le domicile de ses parents au moment de l’accident est sans incidence sur l’indemnisation de l’acquisition d’un logement adapté au handicap.
La Cour de Cassation va aujourd’hui plus loin en confirmant un arrêt de Cour d’Appel qui a remboursé l’achat d’un terrain outre la construction d’une maison adaptée au titre des frais de logement adapté.
Cette décision apparait conforme au principe de la réparation intégrale du préjudice d’autant plus lorsqu’il n’est pas démontré que le coût financier de l’acquisition d’un immeuble déjà construit et de ses travaux d’adaptation soit inférieur à l’option prise par la victime de faire construire en tenant compte des contraintes matérielles de son handicap.
La cour de cassation a rendu récemment deux arrêts les 9 et 23 mai 2019 (Cass, Civ 1ère, 9 mai 2019, n°18-15786 ; Cass, Civ 2ème, 23 mai 2019, n°18-16651), et rappelle aux assureurs récalcitrants des mis en cause, les règles dégagées en matière d’indemnisation des frais d’adaptation du logement des personnes devenues lourdement handicapées à la suite d’un accident de la circulation.
Dans l’arrêt du 23 mai 2019, un motard a été percuté violemment par un véhicule assuré auprès de la MATMUT. Son état de santé nécessitait d’importants travaux d’aménagement alors qu’il était simple locataire. Aussi la victime sollicitait l’indemnisation du coût d’achat d’un bien immobilier ainsi que son aménagement.
Classiquement l’assureur refusait l’indemnisation du coût d’achat et préconisait la simple indemnisation des aménagements utiles donc du surcout exclusif. La cour d’appel contre toutes attentes, suivait l’assureur dans son raisonnement.
La cour de cassation, le 23 mai 2019 (Cass, Civ 2ème, 23 mai 2019, Pourvoi n°18-16651), a censuré la Cour d’Appel et a fait droit aux demandes de la victime en situation de handicap.
« compte tenu de l’importance de ces travaux d’aménagement et du caractère provisoire de la location, l’acquisition d’un logement mieux adapté n’était pas nécessaire pour permettre à la victime de bénéficier de manière pérenne d’un habitat adapté au handicap causé par l’accident ».
La cour de cassation rappelle alors le principe selon lequel, l’indemnisation des frais d’adaptation ne doit pas se limiter aux seuls frais d’aménagement ou au seul surcoût engendré par l’adaptation de ce logement.
Dans ce sens, deux arrêts en date des 3 mars et 14 avril 2016 (Cass, Civ 2ème, 3 mars 2016, n°15-16271 et Cass, Civ 2ème, 14 avril 2016, n°15-16625 et 15-22147).
« Il est important de rappeler que chaque préjudice, quel qu’il soit, doit pouvoir être justifié pour être indemnisé. C’est donc ici, soyons clairs, une affaire de preuve des dépenses. » Avocat dommages corporels
Il faut rappeler alors aux victimes, l’importance de constituer un dossier financier constitué de factures, de devis, de bilans situationnels d’un l’ergothérapeute spécialisé dans la réparation des dommages corporels, d’un projet de construction réalisé par un d’architecte…
Un arrêt récent de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 14 avril 2022 est venu rapporter qu’une provision pouvait très bien être allouée à une victime d’un accident de la circulation qui envisageait d’adapter son logement dès lors que les préjudices n’étaient pas contestés :
Ayant constaté que le droit à indemnisation de M. [I] par l’assureur au titre des préjudices résultant de l’accident du 12 septembre 2017 n’était pas contesté, ni contestable, c’est dans l’exercice des pouvoirs qu’elle tient de l’article 835 du code de procédure civile que la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à d’autres recherches, a fixé, à la somme qu’elle a retenue, le montant de la provision à valoir sur la créance non sérieusement contestable dans son principe.