INDEMNISER L’ĂTAT ANTĂRIEUR / LA PRĂDISPOSITION PATHOLOGIQUE DE LA VICTIME DE LA ROUTE
Comment indemniser une victime de la route alors qu’elle avait un Ă©tat antĂ©rieur ou une prĂ©disposition pathologique, avant l’accident ?
LâĂ©tat antĂ©rieur ou la prĂ©disposition pathologique de la victime de la route avant l’accident pose la question fondamentale du lien causal entre le dommage et le prĂ©judice subi par la victime.
Il appartient en effet, Ă la victime de rapporter la preuve non seulement des dommages corporels subis mais Ă©galement de lâimputabilitĂ© de ces sĂ©quelles au fait dommageable.
A LIRE : REOUVERTURE D’UN DOSSIER POUR AGGRAVATION MĂDICALE OU SITUATIONNELLE ?
â L’Ă©tat antĂ©rieur ou la prĂ©disposition pathologique de la victime dĂ©celĂ© en expertise par l’expert mandatĂ©
Au cours de lâexpertise mĂ©dicale, la question de lâĂ©tat antĂ©rieur de la victime ou de sa prĂ©disposition pathologique est donc centrale et, constitue pour lâExpert un enjeu crucial.
En effet, lâExpert doit connaĂźtre tous les antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux et traumatiques susceptibles dâavoir une influence sur les sĂ©quelles actuelles prĂ©sentĂ©es par la victime Ă la suite dâun accident, tout en respectant le secret mĂ©dical et le secret professionnel.
Pour ce faire, lâExpert doit veiller Ă ne mentionner dans son rapport dâexpertise, que les pathologies susceptibles dâavoir une influence sur lâĂ©volution des sĂ©quelles initiales.
Il est ainsi prévu que
« Dans la rĂ©daction de son rapport, le mĂ©decin expert ne doit rĂ©vĂ©ler que les Ă©lĂ©ments de nature Ă apporter la rĂ©ponse aux questions posĂ©es. Hors de ces limites, il doit taire tout ce qu’il a pu connaĂźtre Ă l’occasion de cette expertise » (article R.4127-108 du code de la santĂ© publique).
AprĂšs avoir relevĂ© un Ă©tat antĂ©rieur susceptibles dâinterfĂ©rer avec les sĂ©quelles traumatiques initiales, il appartient Ă lâExpert de dĂ©terminer si la pathologie prĂ©existante Ă©tait latente ou patente.
« ...L’Ă©tat antĂ©rieur de la victime (ou sa prĂ©disposition pathologique), s’il n’est pas rĂ©vĂ©lĂ© avant l’accident, ne doit pas ĂȘtre pris en considĂ©ration au moment de l’indemnisation des prĂ©judices liĂ©s Ă l’accident !  » Avocat dommages corporels
â L’Ă©tat antĂ©rieur latent de la victime d’un accident de la circulation
LâĂ©tat antĂ©rieur latent peut se dĂ©finir comme une prĂ©disposition pathologique asymptomatique, câest-Ă -dire sans gĂȘne dans le quotidien de la victime avant le fait dommageable.
De jurisprudence constante, la Cour de Cassation considÚre au visa du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que :
« le droit de la victime Ă obtenir l’indemnisation de son prĂ©judice corporel ne saurait ĂȘtre rĂ©duit en raison d’une prĂ©disposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a Ă©tĂ© provoquĂ©e ou rĂ©vĂ©lĂ©e que par le fait dommageable » (Cass, Crim, 12 avril 1994, n° 93-84.367 ; Cass, Civ 2, 3 mai 2018, n° 17-14.985).
Il rĂ©sulte de cette jurisprudence quâil ne peut ĂȘtre tenu compte dâun Ă©tat antĂ©rieur latent pour tenter de rĂ©duire ou dâexclure lâindemnisation de la victime.
LâĂ©tat antĂ©rieur quâil soit dâordre physique ou psychologique doit avoir produit ses effets nĂ©fastes antĂ©rieurement Ă lâaccident. A dĂ©faut, la victime doit ĂȘtre indemnisĂ©e intĂ©gralement de ses prĂ©judices.
Il a ainsi été jugé que constituait un état antérieur latent :
- « lâĂ©tat nĂ©vrotique antĂ©rieur [nâayant] provoquĂ© aucune gĂȘne dans la vie sociale et professionnelle de la victime » (Cass, Civ 2, 8 juillet 2004, n° 03-14.868) ;
- « la coxarthrose, jusque-lĂ dĂ©butante et silencieuse, [qui] n’a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e que par l’accident » (Cass, Crim, 11 janvier 2011, n° 10-81.716) ;
- une pathologie discale dégénérative (Cass, Civ 2, 14 avril 2016, n° 14.27-980) ;
- des facteurs de personnalité (Cass, Civ 2, 13 juin 2019, n° 18-20.547).
La Cour de Cassation a, sur le fondement de ce principe, considéré que :
« la paraplĂ©gie s’inscrivant dans le cadre d’une conversion neurologique liĂ©e Ă l’histoire individuelle et familiale » de la victime qui prĂ©sentait Ă la suite de lâaccident de la circulation une contusion du rachis cervical devait ĂȘtre intĂ©gralement indemnisĂ©e (Cass, Civ 2, 10 novembre 2009, n° 08-16.920).
â La preuve de l’imputabilitĂ© du dommage Ă l’accident
Plus récemment la Cour de Cassation a, toujours sur le fondement de ce principe, considéré que :
« Doit ĂȘtre intĂ©gralement rĂ©parĂ©, le dommage corporel subi par la victime dâun accident de la circulation consistant dans les consĂ©quences de la maladie de Parkinson exclusivement rĂ©vĂ©lĂ©e du fait de cet accident, qui ne peut ĂȘtre, alors, rĂ©duit en raison dâune prĂ©disposition pathologique.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 20 mai 2020, 18-24.095, Publié au bulletin
Une victime dâun accident de la circulation se plaignait dâavoir des douleurs et particuliĂšrement des dĂ©charges dans les membres infĂ©rieurs et supĂ©rieurs. L’examen mĂ©dical immĂ©diat de la victime, rĂ©vĂ©lait un simple traumatisme cervical bĂ©nin. NĂ©anmoins, deux jours aprĂšs lâaccident, la victime a signalĂ© des tremblements de la main droite et des cĂ©phalĂ©es et a rĂ©alisĂ© dans la foulĂ©e dâautres examens mĂ©dicaux complĂ©mentaires qui ont rĂ©vĂ©lĂ© un syndrome de Parkinson.
La victime a alors assignĂ© le responsable mais un problĂšme de preuve de lâimputabilitĂ© du dommage Ă lâaccident a Ă©tĂ© soulevĂ© concernant la maladie de Parkinson.
La cour dâappel a condamnĂ© le conducteur responsable et son assureur Ă indemniser intĂ©gralement la victime de ses prĂ©judices liĂ©s Ă la maladie de Parkinson.
Un pourvoi a Ă©tĂ© introduit par le conducteur responsable et son assureur qui contestaient le lien de causalitĂ© de la maladie de Parkinson, avec l’accident. L’assurance refusant de rĂ©parer les consĂ©quences de la maladie de Parkinson..
La cour de cassation n’a pas suivi lâargumentaire et a confirmĂ© lâarrĂȘt dâappel en condamnant, le conducteur et son assureur Ă rĂ©parer lâintĂ©gralitĂ© des prĂ©judices subis par la victime.
Aucun symptĂŽme de cette maladie nâavait Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© sur la victime avant lâaccident et il Ă©tait impossible de dire dans quel dĂ©lai cette maladie serait survenue.
Aussi, cette maladie de Parkinson nâa Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e que par le fait dommageable et est, dĂšs lors, imputable Ă celui-ci, de sorte que la rĂ©paration de la victime, ne pouvant ĂȘtre rĂ©duite en raison d’une prĂ©disposition pathologique lorsque la maladie qui en est rĂ©sultĂ©e n’a Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©e que du fait de l’accident, doit, alors, ĂȘtre intĂ©grale.
â L’Ă©tat antĂ©rieur patent de la victime d’un accident de la circulation
Quid de l‘Ă©tat antĂ©rieur patent ou de la prĂ©disposition pathologique rĂ©vĂ©lĂ©e avant l’accident ?
En revanche, si lâĂ©tat antĂ©rieur de la victime Ă©tait patent, câest-Ă -dire que les consĂ©quences dâune prĂ©disposition pathologique Ă©taient connues et entrainaient des consĂ©quences prĂ©judiciables, il aurait une incidence sur lâindemnisation de la victime qui pourrait alors ĂȘtre rĂ©duite voire mĂȘme exclue.
Dans ce cas, lâExpert devra dĂ©terminer le seul prĂ©judice imputable Ă lâaccident, en sâinterrogeant sur les sĂ©quelles qui sont certaines, directes et exclusives du fait dommageable.
DĂšs que lâExpert a mis en exergue les seules sĂ©quelles imputables, il peut alors procĂ©der Ă lâĂ©valuation mĂ©dico-lĂ©gale de lâensemble des postes de prĂ©judice de la victime.
Le taux de dĂ©ficit fonctionnel permanent ou DFP sera dĂ©terminĂ© sur la base des seules sĂ©quelles imputables Ă lâaccident.Â
â L’Ă©tat antĂ©rieur dans les procĂ©dures en rĂ©ouverture de dossier en aggravation
La question de lâĂ©tat antĂ©rieur ou de la prĂ©disposition pathologique ayant dâimportantes consĂ©quences sur lâindemnisation de la victime dâun accident, ce point sera Ă©galement au centre de lâexpertise mĂ©dicale en aggravation.
A LIRE : RĂOUVERTURE D’UN DOSSIER D’INDEMNISATION D’UNE VICTIME POUR AGGRAVATION
La victime peut prĂ©senter une pathologie prĂ©existante qui avait Ă©tĂ© Ă©cartĂ©e lors de lâexpertise mĂ©dicale initiale comme nâayant aucune interfĂ©rence avec les sĂ©quelles prĂ©sentĂ©es Ă la suite de lâaccident alors quâau cours des opĂ©rations dâexpertise en aggravation, il apparaĂźtra que cet Ă©tat antĂ©rieur a Ă©tĂ© dĂ©compensĂ© par les nouvelles sĂ©quelles prĂ©sentĂ©es.
La victime peut Ă©galement prĂ©senter une nouvelle pathologie qui pourrait avoir des interfĂ©rences avec lâaggravation allĂ©guĂ©e.
Dans tous les cas, il appartient Ă lâExpert de dĂ©terminer si lâĂ©tat antĂ©rieur de la victime Ă©tait latent ou patent.
En cas de pathologie prĂ©existante Ă lâaccident, il est donc impĂ©ratif dâĂȘtre assistĂ© au cours des opĂ©rations dâexpertise et dans le cadre de la procĂ©dure dâindemnisation, afin de ne pas accepter une exclusion ou une rĂ©duction dâindemnisation qui serait indue.
En savoir + sur l’Ă©tat antĂ©rieur de la victime accidentĂ©e ? Consultez notre BLOG en droit du dommage corporel, rubrique l’expertise dans tous ses Ă©tats- cliquez ici
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