COMMENT INDEMNISER LE DEUIL PATHOLOGIQUEÂ DE LA VICTIME INDIRECTE OU VICTIME PAR RICOCHET
Après le décès de la victime directe, le préjudice de la victime par ricochet peut se transformer en maladie
Droit routier et Dommages corporels
Parfois la victime indirecte (père, mère, sœur, frère…) ou classiquement appelée dans le jargon juridique, la victime par ricochet, subit un préjudice tellement important qu’elle développe un préjudice différent du préjudice d’affection (perte d’un être cher), c’est le préjudice du deuil pathologique – préjudice propre à la victime indirecte.
→ Qu’est-ce qu’un deuil pathologique ? Définition du deuil Pathologique ?
La perte d’un proche est une épreuve redoutable et le deuil est très personnel. Certains le vive plus difficilement en raison de leur santé, de leur capacité physique et mentale, de leur propre expérience jusqu’à transformer le deuil en une maladie. Des symptômes caractérisent alors cette maladie. Un médecin-conseil de victimes n’aura aucune difficulté à diagnostiquer une telle maladie, même si les symptômes sont souvent invisibles.
L’apparition d’une phase de dépression après un deuil n’est pas anormale, mais, si elle dure plus d’un an, il y a de fortes chances que la victime présente un deuil pathologique. On parle aussi de deuil compliqué, de deuil traumatique ou de deuil chronique.
“Une victime indirecte peut développer des préjudices propres après le décès de la victime directe” Avocat dommages corporels
→ Quels sont les symptômes du deuil pathologique ?
Cette pathologie prendre un aspect purement Psychique et se traduira chez la victime, par une dépression, des délires, des hallucinations, une bipolarité nouvelle, des troubles anxieux, et bien sûr, un stress post-traumatique…
Elle peut aussi prendre un aspect Physique et se traduira alors par l’apparition d’ulcères, cancer et parfois, des addictions nouvelles aux stupéfiants, alcool et même au danger (engagement dans l’armée…)
La victime par ricochet atteinte par de tels symptômes pourra solliciter en vertu du principe de la réparation intégrale, l’indemnisation du préjudice dit du deuil pathologique du proche, qui constitue également un préjudice indemnisable, en sus du préjudice d’affection.
Le deuil pathologique est un préjudice très important puisqu’il peut être à l’origine de grosses pertes de revenus, voir la perte d’un emploi,  d’un divorce, ou d’un isolement total
→ Cas Jurisprudentiel sur le deuil pathologique – Cass Crim 2 avril 2019 (n° 18-81.917)
Un jeune Motard, décède dans les suites d’un accident de moto, non responsable. Sa sœur, n’arrive pas à faire face à cet évènement tragique et développe tous les symptomes du deuil pathologique. Une expertise confirmera alors la maladie.
La sœur sollicite alors une indemnisation en qualité de victime indirecte au titre de son préjudice moral lié au déçès de son frère (nomenclature Dintilhac).
La sœur sollicitait également une indemnisation en qualité de victime directe, au titre de ses propres préjudices lié au deuil pathologique. (dépression, préjudices post traumatiques…)
La Cour de cassation a considéré qu’il n’y avait pas une double indemnisation, lorsque le préjudice d’affection et le préjudice de deuil pathologique étaient indemnisés cumulativement. Cass Crim 2 avril 2019 (n° 18-81.917)
« Attendu qu’en prononçant ainsi et dès lors qu’elle a caractérisé un préjudice d’affection causé par les conséquences pathologiques du deuil, distinct du préjudice résultant de l’atteinte à l’intégrité psychique consécutive au décès de son frère, réparé au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent, la cour d’appel n’a pas indemnisé deux fois le même préjudice et a assuré une réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; »
Voir un autre arrêt, dans le même sens : Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 septembre 2015, 14-24.116, Inédit
un conducteur de motocyclette qui décède dans un accident et dont la compagne, passagère au moment de l’accident avec des séquelles psychologiques.
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→ Jurisprudence sur le deuil pathologique – Crim. 14 Mai 2019, n°18-85.616
Un autre cas jurisprudentiel récent sur le deuil pathologique. Une mère de famille décède à la suite d’un accident de la route. Les conséquences sont bien sûr, dramatiques et la famille de la défunte se porte partie civile et sollicite alors l’indemnisation de ses préjudices en qualité de victimes par ricochet (mari et enfants).
Une expertise psychiatrique a été ordonnée afin d’évaluer les souffrances psychiques des victimes par ricochet de la victime directe décédée (mère).
L’expert constatait alors dans un rapport circonstancié que les proches de la défunte souffraient d’un deuil qualifié de traumatique caractérisé par une réaction dépressive nécessitant un suivi psychologique et/ou psychiatrique très régulier.
La Cour d’appel de CAEN a considéré que les proches, victimes par ricochet, subissait bien un deuil pathologique qui devait être indemnisé séparément du préjudice d’affection.
La cour de Cassation confirmait l’arrêt d’appel :
” le préjudice en cause est bien distinct du préjudice d’affection indemnisé par décision du 20 novembre 2015, puisqu’il s’agit de réparer non pas le préjudice né de la perte d’une épouse ou d’une mère, peine et deuil normaux, donc issu du rapport à l’autre, mais de réparer un préjudice spécial, celui qui se trouve constitué par le traumatisme psychique”.
Cette jurisprudence de la chambre Criminelle ne vient que confirmer la tendance jurisprudentielle actuelle sur le deuil pathologique qui est bien un préjudice indépendant.
Néanmoins, il s’agit de constituer un dossier en amont avec des pièces médicales à l’appui de la pathologie (consultations régulières d’un psychiatre…) qui rapporterait alors la preuve que le deuil s’est bien transformé en maladie : un deuil pathologique.