L’INDEMNISATION DU PRÉJUDICE PROFESSIONNEL DE LA JEUNE VICTIME LYCÉENNE APRÈS UN ACCIDENT DE LA ROUTE
Cass. Crim. 24 septembre 2019, n°18-82605
Dans un arrêt récent, en date du 24 septembre 2019, la Cour de cassation est venue confirmer qu’il était possible d’indemniser les pertes de gains professionnels futurs ou PGPF d’une jeune victime lycéenne et ce, même si cette jeune victime ne pouvait pas justifier de revenus antérieurs.
« L’indemnisation des PGPF de la jeune victime lycéenne n’est plus contestable » Avocat en droit du dommage corporel
→ La confirmation du droit à indemnisation de la jeune victime lycéenne de ses PGPF
Dans l’affaire en question (Cass. Crim. 24 septembre 2019, n°18-82605), un jeune lycéen avait été blessé dans un accident de la circulation par un conducteur qui conduisait sous l’emprise de stupéfiants.
Le conducteur fautif était alors poursuivi pour des blessures involontaires ayant entrainé une ITT supérieure à trois mois, alors que la jeune victime se constituait partie civile à l’audience afin de réclamer l’indemnisation de ses préjudices corporels.
Si les premiers juges ont estimé qu’un lycéen ne pouvait prétendre à l’indemnisation d’une perte de gains professionnels puisqu’il n’en avait jamais perçu, la Cour de cassation n’a pas manqué de leur rappeler que :
« L’absence de revenus professionnels antérieurs à l’accident d’une jeune victime ne saurait exclure, par principe, le droit à indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et que ce dernier chef de préjudice ne peut se confondre avec celui indemnisé au titre de l’incidence professionnelle ».
→ La jurisprudence constante sur la perte de gains professionnels futurs chez la jeune victime ?
La question de la perte de gains professionnels futurs pour la très jeune victime s’est posée alors même que la victime n’aurait pas terminé ses études ni commencé de formation professionnelle.
Si la perte de gains professionnels futurs (PGPF), perte de gains professionnels prévisibles que la victime aurait dû percevoir au cours de sa carrière professionnelle si elle n’avait pas eu d’accident de la circulation, il apparaît alors difficile aux premiers abords, d’envisager le cas de la très jeune victime qui n’est pas encore entrée dans la vie active et donc sans aucune activité professionnelle (écolier, lycéen, étudiant, stagiaire…).
A LIRE : L’INDEMNISATION DES PRÉJUDICES DE LA TRÈS JEUNE VICTIME
Le groupe de travail Dintilhac rappelait que :
« il conviendra de prendre en compte, pour l’avenir, la privation de ressources professionnelles engendrées par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation ».
Si la Nomenclature Dintilhac ne manque pas de semer la confusion en classant la perte de chance professionnelle dans le poste « incidence professionnelle », la jurisprudence ne manque pas en revanche, ne manque pas de rattacher à ce dernier poste d’autres éléments plus concrets tels que : la pénibilité, le préjudice de carrière…
Cette jurisprudence ne vient que confirmer une précédente : Cass. 2ème, Civ. 14 avril 2016, n°15-10404
Cette solution avait déjà été envisagée aussi par le Conseil d’Etat (CE, 24 juill. 2019, n° 408624)
« Même s’il n’est pas possible de déterminer le parcours professionnel qu’aurait suivi la victime, en raison de jeune âge, la perte de revenus consécutive à l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle présente un caractère certain. »
Aussi, l’avocat en dommages corporels pourra se référer par exemple au niveau d’étude de la jeune victime, la formation professionnelle du jeune apprenti, et pourquoi pas aussi, la situation professionnelle de la famille. Il faut ensuite calculer un revenu moyen annuel de la branche que la jeune victime aurait suivi si elle n’avait pas été accidentée.
Les assureurs n’hésitent pas à contester régulièrement l’indemnisation du poste des PGPF en invoquant qu’il s’agit simplement de suppositions et autres. .
Pourtant la Cour de cassation a considéré que la jeune victime avait bien un préjudice réel et certain (Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 avril 2016, 15-10.404, Inédit).
→ La problématique de la jeune victime accidentée ?
La véritable difficulté est de déterminer alors la rémunération annuelle de référence pour une jeune victime puisque par définition elle n’a jamais travaillé avant son accident.
L’avocat en dommage corporel devra réaliser un travail en amont pour rechercher les jurisprudences utiles et les cas similaires pour convaincre le magistrat en charge de fixer ce montant.
La perte de revenus inclut les rémunérations qui ne seront jamais perçues, comme la pension de retraite consécutive.
La victime a droit ainsi, à compter de sa majorité, et sa vie durant, à une rente déterminée sur la base du salaire médian net mensuel constaté à la même date et revalorisé comme en matière de rente de la sécurité sociale en fonction de l’évolution des indices des prix.
Selon la règle habituelle destinée à éviter les indemnisations multiples d’un même préjudice, si elle perçoit l’allocation aux adultes handicapés, le montant de cette prestation est alors déduit de la rente (CE, 6 mai 1988, n° 64295).
CYCLISTES, DÉFENDEZ VOS DROITS
→ Le cumul d’indemnisation possible des préjudices de perte de gains professionnels futurs (PGPF) et de l’incidence professionnelle
° L’arrêt de Cass. Civ. 2ème du 23 mai 2019
Une victime d’un accident de la circulation a été indemnisée pour ses dommages corporels mais a souhaité assigner son assureur afin d’obtenir une indemnisation complémentaire liée aux conséquences professionnelles et à l’aggravation de sa situation.
L’assureur qui avait indemnisé la perte de gains professionnels futurs contestait l’indemnisation du poste de préjudice de l’incidence professionnelle (la victime ne pouvait plus travailler) en considérant qu’il y avait alors un doublon et que cela revenait à indemniser deux fois la même chose.
Le problème soumis à la cour de cassation était alors de savoir s’il existait un cumul possible entre l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs et l’indemnisation du poste de l’incidence professionnelle
La Cour de cassation se prononce alors sur la possibilité de cumuler l’indemnisation des deux postes de préjudice.
La Cour de cassation considère que l’incidence professionnelle est la perte de chance d’obtenir une promotion liée à l’évolution de la carrière.
Aussi même en cas d’arrêt total de l’activité, la victime de l’accident pourra obtenir une indemnisation pour le poste de l’incidence professionnelle.
° L’arrêt de Cass. Civ. 2ème du 6 février 2020
Un arrêt récent de la Cour de cassation, le 6 février 2020, vient confirmer qu’il est possible de cumuler l’indemnisation de la victime fondée sur le poste de l’incidence professionnelle, et le poste de la perte de gains professionnels futurs [PGPF].
M. F, victime d’un accident de la circulation a eu un traumatisme crânien sévère.
Issu d’une formation d’architecte, il avait exercé cette activité pendant six ans avant d’obtenir un diplôme complémentaire en communication.
Depuis l’accident, sa situation professionnelle s’est dégradée et avait occupé le poste d’assistant de chef de projet pendant 16 mois et un poste de dessinateur avec un contrat de travail qui a été rompu.
La Cour d’appel de Paris, avait rattaché le licenciement aux troubles cognitifs et comportementaux de la victime du traumatisme crânien.
« selon les experts, M. F conservait des séquelles directement liées à l’accident gênant sa réinsertion professionnelle en raison notamment de troubles intellectuels avec difficulté de concentration et d’élaboration des idées, de troubles de la mémoire ainsi que des séquelles caractérielles et que, malgré un certain potentiel dans le domaine de l’architecture, ses séquelles neuropsychologiques constituaient un obstacle permanent dans les prises de poste dans son secteur de compétence, même s’il n’existait pas d’incapacité avérée à exercer une activité professionnelle génératrice de gains ».
La Cour d’appel a condamné l’assureur à verser à M. F une somme de 621 392,27 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, ainsi qu’une somme de 40 000 euros au titre de l’incidence professionnelle.
L’assureur a introduit alors un pourvoi en cassation en considérant que la réparation du préjudice devait être intégrale, mais sans profit pour la victime ; L’assureur a relevé que les rapports d’expertise avaient exclu toute impossibilité de reprendre un travail, et qu’en tout état de cause, il existait dès lors une double indemnisation dès lors qu’il était envisagé d’indemniser l’incidence professionnelle pour une pénibilité et une fatigabilité en raison des troubles cognitifs.
La Cour de cassation a pourtant relevé que
« le cursus professionnel de M. F discordant par rapport à sa qualification, était en lien de causalité avec ses troubles cognitifs et comportementaux relevés par les experts et imputés au syndrome post-commotionnel consécutif à l’accident et que son licenciement était imputable à ces séquelles ».
D’autre part, la Cour de Cassation a déclaré :
« Ayant relevé que M. F avait subi d’une part une dévalorisation sur le marché du travail, compte tenu de son impossibilité d’avoir pu exercer une activité pérenne d’architecte conforme à son niveau de formation, et d’autre part une fatigabilité et une pénibilité accrues en raison des troubles cognitifs, c’est sans encourir le grief du moyen que la cour d’appel a réparé au titre de l’ incidence professionnelle, à la fois la dévalorisation sur le marché du travail et la pénibilité accrue subie par M. F… durant les périodes pendant lesquelles il a exercé une activité professionnelle, préjudices distincts de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs ».
L’indemnisation de l’incidence professionnelle couvre alors la dévalorisation sur le marché du travail, la fatigabilité et la pénibilité accrues en raison des troubles cognitifs qui sont des séquelles de l’accident.
L’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs couvre alors la perte de salaire correspondant à une période non travaillée de plus de 20 ans jusqu’à l’âge de la retraite.
La Cour de cassation indemnise alors bien deux préjudices distincts et confirme alors la possibilité de cumuler l’indemnisation des deux postes de préjudices que sont l’incidence professionnelle et la perte de gains professionnels futurs (PGPF).
Il s’agit bien de postes complémentaires et cette jurisprudence s’inscrit dans le mouvement jurisprudentiel récent qui prévoit bien le cumul des deux postes.
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