LA VICTIME N’EST PAS TENUE DE LIMITER SON PRÉJUDICE DANS L’INTÉRÊT DU RESPONSABLE
Refus de soins | Refus d’aménagement | Refus d’un reclassement
La Cour de cassation se pose en gardienne des principes fondamentaux du droit à réparation des préjudices corporels de la victime de la route en soulignant le droit de la victime à refuser des soins et plus généralement à limiter son préjudice dans l’intérêt du fautif et de son assurance.
→ Le principe du libre choix de la victime de la route quant à la réalisation de soins ou d’actes d’aménagement dans l’intérêt du responsable
Si autrefois (Cass. Crim., 30 octobre 1974, n°73-93.381, Cass. 2ème Civ., 19 mars 1997, n°93-10.914), il fallait distinguer selon la nature des traitements imposés à la victime de la route pour apprécier la faute éventuelle de la victime à concourir à son propre dommage en refusant les soins. En cas de traitement léger, le refus de se soigner pouvait entrainer alors pour la victime une diminution de son préjudice alors que si le traitement était beaucoup plus lourd, la victime conservait cette faculté de refuser les soins sans pour autant se voir opposer son concours à la réalisation de son préjudice.
Désormais, depuis 2003, La cour de cassation n’a pas manqué par un « attendu » de principe de poser sa règle :
« attendu que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Civ. 2e, 19 juin 2003, n° 00-22302 et 01-13289)
En l’espèce la victime d’un accident avait refuser de réaliser une rééducation orthophonique et psychologique et avait sollicité la réouverture de son dossier en aggravation médicale quelques années plus tard.
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« ...La question qui se posait alors était de savoir si la victime avait, en refusant les soins, concouru à l’aggravation de ses propres dommages (persistance des troubles psychiques). » Avocat dommages corporels
Dans la même série de décisions, une commerçante dont le fonds de commerce de boulangerie avait été laissé à l’abandon pendant sa convalescence, sollicitait l’indemnisation de la perte de valeur du fonds alors même que la partie adverse et son assurance, invoquaient le fait que le lien de causalité était fragile puisqu’il suffisait à la commerçante d’embaucher, ce qu’elle n’a pas fait.
Outre le fait que la Cour de cassation a estimé qu’il ne s’agissait pas de l’appréciation du pouvoir souverain des juges du fond, elle n’a pas hésité à casser l’arrêt d’appel sur le même motif, à savoir que la victime n’était pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable qui aurait pu alors indemniser moins et ce, même s’il s’agit d’un préjudice économique.
Cour de cassation, civ. 2eme, 19 juin 2003 :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, qui exploitait un fonds de boulangerie, et sa fille ont été blessées le 12 septembre 1984 dans un accident de la circulation dont M. Y… a été reconnu responsable ; que Mme et Mlle X… ont assigné ce dernier en réparation de leurs préjudices ; Attendu que pour rejeter la demande de Mme X… en indemnisation de son préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce et celle de Mlle X… relative à la perte de chance d’avoir pu reprendre un fonds de commerce prospère, l’arrêt retient que si Mme X… affirme que son fonds de commerce, resté inexploité jusqu’en mars 1990, avait perdu toute valeur puisque la clientèle avait disparu et le matériel était devenu obsolète, elle avait la possibilité de faire exploiter le fonds par un tiers et que si elle a choisi de le laisser péricliter, elle ne saurait en imputer la responsabilité à l’auteur de l’accident ; que la perte de valeur du fonds n’étant pas une conséquence de l’accident, Mlle X… ne pouvait en demander réparation à l’auteur de l’accident ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressort des constatations de l’arrêt que Mme X… avait subi, du fait de l’accident, pendant de nombreux mois une incapacité temporaire totale et partielle de travail, puis qu’elle avait conservé une incapacité permanente partielle l’empêchant de reprendre son activité de boulangerie, ce dont il résultait l’existence d’un lien de causalité directe entre l’accident et le préjudice allégué, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Que le rejet de la demande de Mlle X… relative à la réparation de la perte de chance alléguée doit être annulée par voie de conséquence »
« ...Se faire assister n’est pas juste utile, mais bien obligatoire dans cette matière » Avocat dommages corporels
Dans le prolongement de cette jurisprudence, alors qu’une victime habitait dans une maison isolée à plusieurs étages, elle refusait divers aménagements proposés et particulièrement celui de déplacer sa chambre au rez-de-chaussée (aménagement plus économique). La victime de la route sollicitait alors un préjudice d’aide à tierce personne beaucoup plus important du fait de la disposition de sa chambre à l’étage.
La victime handicapée ne pouvant plus monter ni descendre un escalier sans aide humaine, sollicitait alors la présence d’une tierce personne toute la nuit pour sa sécurité en cas de danger.
L’assureur faisait alors valoir que l’installation de sa chambre au rez-de-chaussée de la maison était moins coûteuse que la mise à disposition d’une aide humaine.
La cour de cassation n’hésitait pas alors à casser l’arrêt de la cour d’appel de Paris sur le même fondement ci-avant développé.
Civ. 2e, 25 octobre 2012, n° 11-25511 :
« Vu l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ;Attendu que pour limiter à une certaine somme l’indemnisation du besoin d’une tierce personne de Mme Y…, l’arrêt retient que la victime est mal fondée à justifier la nécessité d’une tierce personne la nuit, et non également durant la totalité de la journée, par la situation de la chambre à l’étage, elle a besoin d’être aidée pour monter ou descendre les escaliers, ce qui l’empêche de se sortir seule d’une situation de danger la nuit ; qu’en effet, les difficultés liées à la localisation de la chambre à l’étage s’agissant d’une victime qui demeure dans le Var dans une maison à étage, isolée en campagne, peuvent être résolues par des solutions plus simples, moins contraignantes et plus économiques que la présence d’une tierce personne douze heures par nuit, parmi lesquelles l’aménagement d’une chambre au rez-de-chaussée, l’agrandissement de la maison, voire un déménagement que les époux ont d’ailleurs effectué puisqu’il ressort de la procédure qu’ils étaient successivement domiciliés dans le département du Var pendant la procédure de première instance, dans celui de la Manche pendant la procédure d’appel et qu’interpellé à l’audience quant à leur domicile actuel, le conseil de la victime a indiqué qu’ils vivaient à nouveau dans leur maison du Var ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés »
→ Un principe à la Française qui fait office d’exception européenne
Certains assureurs, en faveur de la mitigation (« La mitigation ou l’obligation pour la victime de minimiser son dommage, une exception à la française », Gazette du Palais, 2014, n° 341 à 343), n’hésitent pas à critiquer cette position dans le sens où selon eux, il faudrait distinguer selon que l’obligation de limiter son dommage consiste à réaliser des soins, ou de simples économies avec quelques aménagements de sorte que cette dernière distinction devrait être obligatoire pour les victimes de la route.
« La mitigation » qui veut dire atténuer est une règle de droit anglo saxon qui oblige la victime d’un dommage à minimiser celui-ci, lorsqu’elle en a l’opportunité
Selon ces assureurs, ce ne serait qu’une harmonisation avec la jurisprudence européenne (droit anglo saxon) qui a adopté une voie différente de la Cour de cassation, consacrant alors la mitigation sur les fondements de la moralisation et de la responsabilisation des victimes de la route.
La Cour de cassation a réaffirmé depuis, à maintes reprises, son refus de consacrer une obligation générale pour la victime de limiter son dommage, même lorsque celui-ci n’est « que » matériel ou économique. Cass 1ère Civ, 15 Janvier 2015 – pourvoi n°13-21180
→ La victime de la route n’est pas tenue de réduire son dommage en acceptant une situation professionnelle adaptée à son nouvel handicap
Dans un arrêt rendu le 26 Mars 2015, (Cass. 2e civ., 26 mars 2015, no 14-16011, M. X c/ Sté MAAF assurances) la Cour de cassation va répondre à la question de savoir si la victime de la route est tenue d’accepter une offre de reclassement adaptée à son nouvel handicap et proposée par son employeur afin d’être indemnisée de ses préjudices professionnels ?
En clair, est-ce que la victime d’un accident de la circulation est tenue d’accepter, pour réduire son préjudice professionnel, un emploi en rapport avec ses nouvelles facultés, même si différent avec son ancien poste ?
La haute cour va confirmer sa position et confirmer alors que l’assureur ne peut donc pas opposer à la victime, un refus de reclassement pour réduire son offre d’indemnités pour son préjudice professionnel.
Dans cette l’espèce, un cuisinier a été victime d’un accident de la circulation, avec des séquelles telles que rendant impossible la poursuite de son activité. Le cuisinier a refusé le reclassement, estimant que le nouveau poste ne lui convenait pas, et a assigné le responsable de l’accident et son assureur en réparation de ses préjudices corporels.
La Cour d’appel de Poitiers, a décidé que la victime pouvait avoir :
« une activité adaptée à ses capacités intellectuelles et physiques restantes » : « Le défaut d’activité professionnelle a pour cause, d’une part, l’état séquellaire consécutif à l’accident de la circulation routière du 23 octobre 2004, et, d’autre part, le refus du poste proposé par l’employeur dès lors qu’un changement de résidence n’était pas impossible matériellement pour la victime ».
la Cour d’appel a divisé alors par deux la somme allouée à la victime (pour déterminer la perte de gains professionnels futurs) en retenant, notamment, que le refus de la victime d’accepter le poste qui lui avait été proposé lors du reclassement avait participé à hauteur de 50% (cause partielle) à son impossibilité de retrouver du travail.
La Haute Juridiction casse partiellement l’arrêt rappelant sa position ferme et constante :
« L’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables (…) la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».
→ L’arrêt Cass. 2e civ., 26 mars 2015, no 14-16011 – pas d’obligation de limiter son préjudice
Civ. 2e, 26 mars 2015, n° 14-16.011LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que M. X… a été victime le 23 octobre 2004 d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Maaf assurances (l’assureur) ; qu’il a assigné l’assureur, la caisse primaire d’assurance maladie de Pau, la mutuelle Ociane et l’association Sainte-Odile en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 29 et 33 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
Attendu que seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation ;
Attendu que, pour évaluer le préjudice concernant la perte de gains professionnels actuels de M. X…, l’arrêt déduit de son montant celui des allocations d’ aide au retour à l’emploi perçues par la victime ;
Qu’en statuant ainsi, alors que de telles allocations non mentionnées par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ne donnent pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l’article 1382 du code civil ;
Attendu que l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ;
Attendu que pour évaluer à la somme de 175 898,39 € la perte de gains professionnels futurs, l’arrêt énonce que l’expert judiciaire retient que M. X… qui a toujours travaillé comme cuisinier, a été déclaré inapte à cette profession par le médecin du travail le 21 mai 2007 et licencié de son emploi pour inaptitude ; qu’il était à cette date dans l’incapacité de poursuivre l’activité de cuisinier mais aurait pu avoir une activité adaptée à ses capacités intellectuelles et physiques restantes tout en bénéficiant d’un reclassement pour trouver un emploi en fonction de ses séquelles ; que M. X… reste médicalement apte à travailler même s’il ne peut plus être cuisinier et qu’il est établi que le défaut d’activité professionnelle a pour cause, d’une part, l’état séquellaire consécutif à l’accident de la circulation routière du 23 octobre 2004, et, d’autre part, le refus du poste proposé par l’employeur dès lors qu’un changement de résidence n’était pas impossible matériellement pour la victime ; qu’il convient alors de retenir que les séquelles de l’accident interviennent pour 50 % seulement comme cause de l’impossibilité de retrouver un travail et qu’en fonction du calcul opéré par le premier juge pour déterminer la perte de gains professionnels futurs, l’indemnisation sera de 351 796,78 €: 2 x 175 898,39 €, après déduction du recours de l’organisme social ;
Qu’en statuant ainsi, en divisant par deux la somme allouée à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs en raison du refus d’un poste proposé par l’employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
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