L’INDEMNISATION DES PRÉJUDICES DE L’ÉTUDIANT VICTIME OU LA JEUNE VICTIME
Préjudice victime étudiante | préjudice étudiant victime | préjudice jeune victime
→ L’étudiant victime d’un accident de la route (ou jeune victime) et son préjudice de gains professionnels futurs
Le préjudice professionnel est la conséquence de l’accident (arrêt du travail, de l’activité) en terme de rémunération manquante sur une victime accidentée.
A LIRE : LE PRÉJUDICE PROFESSIONNEL
Le préjudice PGPA (perte de gains professionnels actuels) est constitué par l’absence de rémunération de la victime accidentée entre le jour de l’accident et jusqu’à sa consolidation.
Le préjudice PGPF (perte de gains professionnels futurs) est constitué par l’absence de rémunération de la victime accidentée depuis sa consolidation
« C’est essentiellement et plus généralement le principe de l’indemnisation de la victime non rémunérée au moment de l’accident telle que la jeune victime (victime mineure) ou la victime étudiante. »
La victime étudiante au moment de l’accident, par définition ne travaillait pas encore et, à ce titre, ne percevait aucune rémunération.
La question de l’évaluation de la perte de gains futurs est alors mise sur la table des négociations et ce, même si un rapport d’expertise venait indiquer qu’au moment des faits, la victime était étudiante et que la question des PGPF (Perte de Gains Professionnels Futurs) était sans fondement.
Si les victimes étudiantes ont tendance à sur-évaluer le marché de l’emploi en avançant qu’une carrière brillante était envisagée avant l’accident, les tribunaux, tout en considérant l’existence d’un tel préjudice, opèrent une modération des demandes.
Le juge appliquera alors le double filtres suivant : d’une part, le succès aux examens n’est pas acquis automatiquement, et en cas de succès, les carrières de chacun sont toutes différentes à diplôme égal.
« Les jeunes victimes ont aussi des préjudices professionnels ! » Avocat jeune victime
→ Quels sont les critères retenus alors par la jurisprudence pour la victime étudiante ?
Les tribunaux s’attacheront à contrôler par exemple, l’avancée de l’étudiant victime ou ses retard dans la filière choisie, son cursus universitaire mais aussi ses succès (diplômes….).
Plus l’étudiant victime de l’accident sera proche, au moment de l’accident, de la fin de ses études avec des possibilités concrètes de carrières et opportunités diverses (offre d’emploi, promesse….), plus la fixation de la perte financière pour le futur pourra être réalisée subjectivement c’est à dire, in concreto.
En revanche, si l’étudiant n’en est qu’au début de ses études, l’appréciation de la perte financière pour le futur ne pourra être réalisée que d’une façon générale.
L’avocat en droit du dommage corporel de la victime étudiante va alors estimer, sur le fondement de ces critères, le revenu moyen qu’aurait pu prétendre la victime accidentée (étudiant victime ou jeune victime) si ses études ou son cursus n’avaient pas été interrompus par l’accident.
Ainsi, le juge appréciera souverainement ce revenu de référence rapporté avec les mêmes critères (Crim. 21 novembre 2017 n° 16-86.644) et ce, même si les assurances avancent régulièrement le fait qu’il s’agit d’un préjudice virtuel et non certain comme l’exige la loi pour accorder telle ou telle indemnisation – la Cour de cassation en 2016 (Cass. 2ème, Civ. 14 avril 2016, n°15-10404) ayant considéré ce préjudice comme certain.
→ Crim. 21 novembre 2017 n° 16-86.644 : L’appréciation souveraine des juges du préjudice professionnel de la jeune victime
M. X, jeune cycliste âgé de 16 ans, a été victime d’un grave accident de la route ayant entrainé de graves séquelles neurologiques
La société d’assurance AXA, assureur du prévenu du chef de blessures involontaires, a été « condamnée » à indemniser la jeune victime au titre de la perte de gains professionnels futurs par le versement d’une rente mensuelle viagère de 1800 euros.
AXA a formé un pourvoi en estimant qu’en déterminant la perte de gains professionnels futurs sur la base d’un salaire mensuel net « arbitré » à la somme de 1 800 euros, sans s’expliquer sur la pertinence de cette somme, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
La Cour de Cassation a décidé que
« c’est à juste titre, par des moyens pertinents que la cour adopte, que le tribunal a jugé que le préjudice subi par M. X… au titre des pertes totales de gains professionnels futurs serait justement indemnisé par l’allocation d’une rente viagère annuelle dont le calcul est basé sur un salaire mensuel net de 1 800 euros soit (21.600,00 euros – 17.192,00 euros = 4.408,00 euros) payable trimestriellement à terme échu majorée de plein droit par application des dispositions de l’article 43 de la loi du 5 juillet 1985 à compter du 26 octobre 2009, date de la consolidation fonctionnelle retenue par le médecin expert ».
Aussi la cour de cassation a considéré que les juges du fond n’ont fait que d’user de leur pouvoir souverain en attribuant cette rente à la victime accidentée.
Le juge à alors pleinement compétence pour fixer le salaire de référence de la jeune victime n’ayant jamais travaillé avant son accident, pour permettre son indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs (PGPF de la jeune victime).
→ Cass. Crim. 24 septembre 2019, n°18-82605 : L’indemnisation des PGPF de la victime étudiante
Dans un arrêt récent, en date du 24 septembre 2019, la Cour de cassation est venue confirmer qu’il était possible d’indemniser les PGPF d’une jeune victime lycéenne et ce, même si cette jeune victime ne pouvait pas justifier de revenus antérieurs.
Un jeune lycéen avait été blessé dans un accident de la circulation par un conducteur qui conduisait sous l’emprise de stupéfiants. Le conducteur fautif était alors poursuivi pour des blessures involontaires ayant entrainé une ITT supérieure à trois mois, alors que la jeune victime se constituait partie civile à l’audience afin de réclamer l’indemnisation de ses préjudices corporels.
Si les premiers juges ont estimé qu’un lycéen ne pouvait prétendre à l’indemnisation d’une perte de gains professionnels puisqu’il n’en avait jamais perçu, la Cour de cassation n’a pas manqué de leur rappeler que :
« L’absence de revenus professionnels antérieurs à l’accident d’une jeune victime ne saurait exclure, par principe, le droit à indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs et que ce dernier chef de préjudice ne peut se confondre avec celui indemnisé au titre de l’incidence professionnelle ».
Cette jurisprudence ne vient que confirmer une précédente : Cass. 2ème, Civ. 14 avril 2016, n°15-10404
EN SAVOIR + : L’INDEMNISATION DES PGPF DE LA JEUNE VICTIME LYCÉENNE
→ Cass. Civ 2eme 16 septembre 2021, n° 20-10.712 : la limitation du préjudice économique de la victime étudiante
Mme [Y], étudiante, a été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle était passagère d’un véhicule conduit par M. [D], assuré auprès de la société MAAF assurances. L’assurance a décidé de limiter son préjudice économique du fait que l’étudiante n’avait jamais travaillé.
Mme [Y] conteste l’arrêt d’appel qui avait pourtant condamné l’assurance à lui payer une rente viagère annuelle indexée d’un montant initial de 17 280 euros payable par trimestre au montant actuel de 4 320 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs.
La cour d’appel a considéré alors qu’il fallait appliquer un coefficient de 60% au titre de la perte de chance.
Mme [Y] présentait alors une argumentation devant la cour de cassation
« qu’en l’absence de revenus professionnels antérieurs à l’accident d’une jeune victime, il y a lieu d’indemniser au titre de la perte de gains professionnels futurs, la perte des revenus qu’une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive en procédant à l’évaluation de ces revenus compte tenu de la profession qui aurait pu être exercée eu égard aux études qui ont été interrompues par le fait dommageable ; qu’en retenant que le préjudice subi par la victime ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels était constitué par la perte d’une chance impliquant la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable, mais non un caractère certain, la cour d’appel a violé l’article 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »
La Cour de cassation ne manquait pas alors de rappeler que :
La réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
S’il est certain que Mme [Y] se trouve, en raison de l’accident, privée de toute possibilité d’exercer une activité professionnelle, ce préjudice, en ce qu’il repose sur une analyse probabiliste de ce qu’aurait pu être la vie professionnelle de la victime et son évolution en l’absence du fait dommageable, consiste en la perte d’une chance dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.
C’est ainsi, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel, ayant relevé qu’à la date du dommage Mme [Y], qui était étudiante, ne percevait aucun revenu, a pu estimer, au titre du préjudice de perte de gains professionnels futurs, qu’il résultait du niveau scolaire de la victime, entrant à l’âge de 20 ans en deuxième année d’études supérieures, un préjudice indemnisable à hauteur de 60 % de chances d’accéder à un emploi rémunéré au niveau du salaire revendiqué dans la profession de psychologue clinicienne, à laquelle ses études la préparaient.
EN SAVOIR + : L’INDEMNISATION DES PGPF DE LA JEUNE VICTIME LYCÉENNE