→ LE CONDUCTEUR FAUTIF VICTIME OU LA FAUTE DU CONDUCTEUR VICTIME
conducteur fautif | faute du conducteur | indemnisation du conducteur fautif
Droit routier et Dommages corporels
Quelle indemnisation pour un conducteur victime, fautif ? La faute du conducteur victime d’un accident de la circulation ? Le droit à indemnisation pour la victime fautive dans un accident de la route ? Indemnisation du conducteur victime ?
Précisons déjà les notions de conducteur, de conducteur fautif, et de conducteur fautif victime.
Un arrêt cass. 2eme civ., 23 mars 2017, N° 15-25.585 FS-P+B vient apporter quelques précisions sur la notion de conducteur.
« Si le conducteur est bien celui qui dirige le véhicule au moment de l’accident, quelle qualification donner au passager qui va intervenir dans la manœuvre juste avant l’accident en touchant le volant ?«
La 2eme chambre civile de la cour de cassation, le 23 mars 2017 se prononce alors ainsi :
« Le seul fait pour un passager d’un véhicule de manoeuvrer le volant n’établit pas que celui-ci se soit substitué au conducteur dans la conduite du véhicule et ne lui confère donc pas la qualité de conducteur.«
C’est la solution imposée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 mars 2017 :
En 2009, le véhicule automobile était conduit par Mme B., M. S. occupant la place du passager avant, a été accidenté après être sorti de la route. Mme B. et M. S. ont tous deux été blessés. M. S. a, en présence des caisses primaires d’assurance maladie, assigné en réparation de son préjudice Mme B. et son assureur, lesquels lui ont opposé qu’il avait acquis la qualité de conducteur et lui ont demandé l’indemnisation des préjudices subis par Mme B.
La Cour d’appel a retenu que M. S. avait confirmé à un policier du commissariat qu’il avait bien lui-même tourné le volant du véhicule, tout en étant en état d’ivresse lors de l’accident et qu’il ne démontrait ni que la route était verglacée, les pompiers étant intervenus sur les lieux n’en faisant pas mention dans leur rapport, ni que Mme B. avait perdu le contrôle de son véhicule avant l’accident. Ils ont également retenu que Mme B. avait toujours eu la même version des faits, ayant déclaré à la gendarmerie que la voiture avait légèrement glissé et que M. S. avait alors violemment tiré sur le volant. M. S. a alors formé un pourvoi.
La Haute juridiction, a alors cassé l’arrêt, au visa des articles 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985.
« Conducteur fautif victime, même lorsque vous serez seul, nous serons là : il n’y a que des solutions ! » Avocat
l’article 4 de la loi Badinter n° 85-677 du 5 juillet 1985 dispose que :
« La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis »
Toutefois, l’assureur qui invoquerait une faute du conducteur et qui bien sûr, entendrait exclure ou réduire son droit à indemnisation, devrait impérativement rapporter conformément à la jurisprudence sur les accidents de la route et la loi Badinter, une double preuves :
° La preuve de l’existence d’une faute
° La preuve que cette faute a eu une influence directe et certaine sur la réalisation de l’accident de la route et sur le préjudice en découlant.
Aussi, cette faute doit forcément avoir eu un rôle causal dans la survenance de l’accident et donc sur l’étendue des préjudices.
Les situations classiques concernent des conducteurs blessés dans des accidents et pour lesquels il a été relevé des traces de consommation de stupéfiants, ou un excès de vitesse…
Dans l’un de nos dossiers, traité en 2018, un motard (donc conducteur !) qui circulait en interfile entre les voies de circulation a eu un accident de la route assez grave avec une voiture. L’assurance a réussi à rapporter aisément la preuve de la faute du conducteur (circulation inter-file) mais n’a pas réussi en revanche à démontrer que la faute du conducteur motard avait eu un rôle causal dans l’accident.
La faute du conducteur de la motocyclette n’était pas en relation directe et certaine avec l’accident.
Aussi, son droit à indemnisation n’a ni été exclu, et ce qui relevait aussi de l’exploit, ni été réduit.
Enfin, l’appréciation de cette faute doit :
« faire abstraction du comportement de l’autre conducteur dont le véhicule était impliqué dans l’accident » (Cass. 2e civ, 28 janv. 1998, n° 96-10.45),
le juge ne devant pas quant à lui, rechercher si cette faute était la cause exclusive de l’accident mais simplement si elle a contribué au dommage du conducteur (Civ2e cass. 22 novembre 2012,– N° de pourvoi: 11-25489)
→ Si cette faute est caractérisée, et surtout en lien direct et certain avec l’accident, qu’advient-il de l’indemnisation du conducteur fautif victime ?
La loi Badinter ne prévoit aucune solution d’indemnisation pour ce conducteur fautif victime, et ce malgré sa faute qui traditionnellement aurait exclu toutes indemnisations.
En revanche, les contrats d’assurance de véhicules prévoient régulièrement une « garantie du conducteur » ou « garantie corporelle du conducteur » à la condition bien sûr d’y avoir souscrit avant l’accident. Cette garantie du conducteur n’est pas obligatoire et donc en aucun cas automatique.
« (…) même si le souscripteur est assuré en formule « tous risques ». En effet, cette formulation dite « tous risques » est attachée exclusivement aux dommages matériels et en aucun cas aux dommages corporels comme c’est le cas avec la garantie du conducteur (…)« Avocat accident de la route
C’est une option à laquelle l’assuré décide de souscrire si elle n’est pas incluse dans son contrat.
Comme tous les contrats, il existe des planchers liés au déclenchement de la garantie du conducteur (en dessous d’un seuil d’AIPP, la garantie n’interviendra pas) et un plafond d’indemnisation (montant au-delà duquel l’indemnisation s’arrêtera, quels que soient vos handicaps),
Un plafond d’un million d’euros fixé dans une garantie du conducteur peut paraître largement suffisant mais s’avère en réalité assez insuffisant en cas d’accident grave (traumatisme crânien grave, handicaps sévères, paralysies, traumatisé médullaire, paraplégique…)
Certains contrats vont limiter également directement les postes de préjudices indemnisables.
Attention, néanmoins, la loi du contrat réserve souvent quelques surprises puisque les assureurs disposent d’une totale liberté pour exclure certains comportement fautifs de cette garantie du conducteur.
A LIRE : LA GARANTIE CORPORELLE DU CONDUCTEUR : DÉFINITION & LIMITES
Ainsi, et c’est souvent le cas, si l’automobiliste a pris le volant en état d’ivresse ou après avoir consommé des stupéfiants, il ne pourra pas se prévaloir de la garantie du conducteur car l’exclusion est visée au contrat.
Le cabinet disposant d’un savoir-faire exceptionnel a réussi récemment à remettre en cause un contrat qui limitait l’indemnisation, tant par le plafond que par les postes de préjudices pour obtenir l’indemnisation du conducteur à 100%, donc sans aucune limite. Le dossier a fait l’objet d’un appel de la part de l’assureur et nous ne manquerons pas de verser la décision définitive.