→ Les différentes typologies d’accident de la route et le conducteur éjecté ?
Un accident de la circulation regroupe plusieurs typologies d’accident outre l’accident complexe avec un conducteur éjecté ou descendu :
- L’accident impliquant un seul véhicule terrestre à moteur ;
- L’accident impliquant un véhicule terrestre à moteur et un tiers non motorisé (piéton, cycliste, …) ;
- L’accident impliquant deux véhicules terrestres à moteur ;
- L’accident en chaîne qui correspond à la collision de plus de deux véhicules terrestres à moteur circulant dans le même sens et sur la même voie;
- Le carambolage qui implique la collision de plus deux véhicules terrestres à moteur qui ne circulent pas nécessairement dans le même sens de circulation.
En cas d’accident impliquant deux véhicules, un accident en chaîne ou un carambolage, il apparaît un type d’accident particulièrement complexe, le cas spécifique du conducteur descendu ou éjecté de son véhicule et heurté par un véhicule tiers.
Et pour cause, dans ce type d’accident toute la difficulté résulte dans la détermination du statut de la victime éjectée.
« Un conducteur éjecté après un accident de la route, peut lui même être à nouveau percuté » Avocat préjudices corporels
→ Le conducteur éjecté et percuté par un véhicule et la Loi Badinter ?
Un conducteur impliqué dans un accident de la route sera éjecté de son véhicule puis percuté par un autre véhicule. Quel est son statut vis à vis de la Loi Badinter, et bien sûr pour son indemnisation.
La victime doit-elle être considérée comme un piéton ou comme un conducteur ?
La réponse est d’importance car elle va déterminer le régime d’indemnisation applicable.
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, dite loi Badinter, distingue le droit à indemnisation de la victime d’un accident de la circulation selon qu’elle soit piéton ou conducteur.
Aux termes de l’article 3 de cette loi
« Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ».L’article 4 de la loi Badinter précise qu’au contraire « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».
Il résulte des dispositions de ces articles que les victimes piétonnes d’un accident de la circulation sont indemnisées intégralement de leurs préjudices sans que puisse leur être opposé leur propre faute, à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.
En revanche, la faute du conducteur victime d’un accident de la circulation peut lui être opposée afin de réduire voire exclure son droit à indemnisation.
A cet égard, il convient de rappeler que la faute du conducteur victime est appréciée en faisant abstraction de la faute du conducteur tiers, et qu’elle doit présenter un lien de causalité avec le dommage présenté par la victime.
→ Le conducteur éjecté et la jurisprudence ?
Il résulte de la jurisprudence constante que dans les accidents complexes (accident en chaine ou carambolage), la victime éjectée ou conducteur éjecté, conserve la qualité qui était la sienne dans le véhicule terrestre à moteur impliqué.
En la matière, la jurisprudence considère donc que la victime conducteur descendue ou éjectée de son véhicule conserve sa qualité de conducteur dès lors que les collisions successives sont intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu de sorte qu’elles constituaient un seul et même accident.
La Cour de Cassation a ainsi eu se prononcer sur la qualité de la victime conductrice d’un véhicule terrestre qui après avoir heurté un véhicule, sort de son véhicule pour chercher son chat à l’arrière de sa voiture, et qui est à son tour heurté par un véhicule qui a été projeté sur elle.
Pour les hauts magistrats, ces collisions successives étant intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu de sorte elles constituaient un seul et même accident, de sorte que la victime avait conservé sa qualité de conducteur (Cass., Civ. 1ère, 17 janvier 2019, n°18-11.320 ; 18-11.440).
Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt récent du 16 avril 2019 (Cass., Crim., 16 avril 2019, n°18-80.439).
Il résulte de cette jurisprudence que dès lors que des collisions successives interviennent dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, elles doivent être considérées comme constituant le même accident, complexe, unique et indivisible, au cours duquel la qualité de la victime (conducteur ou piéton) ne peut changer.
Le même raisonnement a été adopté par les hauts magistrats s’agissant du conducteur d’une motocyclette éjectée de son véhicule avant d’être heurté par un véhicule tiers.
Par principe, en cas de chute du motocycliste avec éjection du conducteur et de choc avec un véhicule terrestre à moteur dans un seul trait de temps, le motocycliste conserve sa qualité de conducteur (Cass., Civ. 2e, 21 décembre 2006, n°05-19.292).
En revanche, s’il est rapporté la preuve que la seconde collision n’a pu être concomitante à la première, le conducteur d’une motocyclette éjecté de son véhicule à la qualité de piéton (Cass., Civ. 2e, 29 juin 2000, n°98-19.234 ; Cass., Civ. 2e, 18 mai 2017, n°16-18.490).
→ Le conducteur éjecté et la jurisprudence ?
Dans le second arrêt et afin de retenir la qualité de piéton de la victime, la Cour de Cassation a relevé que la victime :
« avait été éjectée de sa moto et projetée sur le milieu de la chaussée où elle était immobilisée lorsqu’elle avait été heurtée par celle pilotée par Mme X…, et que, celle-ci ayant affirmé la suivre » à bonne distance « , le second choc n’avait pu être concomitant au premier » (Cass., Civ. 2e, 18 mai 2017, n°16-18.490).
La qualité de la victime étant liée aux circonstances précises de l’accident et des collisions successives et soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, il est primordial de bien constituer son dossier et d’être assisté tout au long de la procédure par un avocat rompu à cette typologie d’accident particulière.
Dans un arrêt en date du 3 mai 2017 (n°16-84485) la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que la qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident qualifié de complexe.
Au cours de ce type d’évènement, des collisions se succèdent dans un enchainement continu et dans un même laps de temps, pour former un accident unique.
Cette position a des conséquences concrètes sur les qualités des protagonistes.
Un conducteur éjecté dans un accident avec un premier véhicule, conserve alors sa qualité de conducteur et ce, même s’il est percuté par un second véhicule alors qu’il est en dehors de son véhicule, donc en principe en simple piéton. Une condition est néanmoins posée : il faut que l’ensemble de ces collisions se succèdent dans un enchainement continu et dans un même laps de temps.
C’est le concept d’unité de temps et de lieu qui permettra de retenir la qualité de conducteur au conducteur victime qui aurait été éjecté à la suite d’une première collision.
Ce conducteur victime, éjecté alors, ne deviendra pas un simple piéton lorsqu’il se fera percuter par le deuxième véhicule, mais restera un conducteur, au sens de la Loi Badinter.
Il y a alors une implication majeure puisque le conducteur, à la différence du piéton, peut se voir opposer ses fautes de nature à réduire ou à exclure son droit à indemnisation.
Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du 3 mai 2017
N° de pourvoi: 16-84485
Statuant sur le pourvoi formé par :
La société d’assurance Pacifica,
contre l’arrêt de la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 27 mai 2016, qui, dans la procédure suivie contre M. Nicolas X…des chefs d’homicide et blessures involontaires aggravées, et contre M. Alberto Y…et la société Z… Trasporti du chef d’homicide, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 21 mars 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, MM. Pers, Fossier, Mmes Schneider, Ingall-Montagnier, M. Bellenger, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Guého, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général LE DIMNA ;
Vu le mémoire produit et les observations complémentaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, 1, 3, 4 et 6 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, R. 413-17 du code de la route, manque de base légale et insuffisance de motivation ;
” en ce que l’arrêt attaqué, déclaré opposable à la compagnie d’assurance Pacifica, a déclaré M. Nicolas X… entièrement responsable, avec M. Andrea Y… et la SNC Z… Trasporti SNC Di Z… Placido E. C, de l’intégralité des conséquences dommageables de l’accident ayant entraîné la mort de Freddy B…, a condamné solidairement M. X…, M. Y…, et la SNC Di Z…Trasporti à payer aux parties civiles Élodie B… et Julien B… respectivement la somme de 15 000 euros au titre de leur préjudice moral, a condamné solidairement M. X…, M. Y… et la SNC Z… Transporti SNC Di Z…Placido EC à payer à Mme Aniela D…la somme de 30 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice moral de cette dernière ;
” et en ce que l’arrêt attaqué, déclaré opposable à la compagnie d’assurance Pacifica, a rejeté les contestations sur le droit à réparation de M. Y…, a dit qu’aucune faute ne lui était imputable, de nature à réduire ou exclure son droit à indemnisation et a en conséquence confirmé le jugement déféré sur l’indemnisation du préjudice de M. Y…, en ce qu’il avait condamné M. X… à payer à l’Istituto Nazionale per l’Assicurazione contro gli Infortuni sul Lavoro, partie civile, la somme de 87 438, 51 euros au titre de son préjudice matériel ;
” aux motifs propres que les appels portent sur les dispositions civiles du jugement mais qu’en l’état de la contestation de l’étendue du droit à réparation des parties civiles M. Y… et Freddy B… décédé et représenté à la procédure par ses ayants droit, la ou les fautes des victimes étant invoquées, il convient de rappeler les faits ayant entraîné la condamnation pénale définitive de M. X…, M. Y… et la SNC Z… Trasporti SNC Di Z… Placido représentée par Placido Z… ; que les éléments objectifs de l’enquête, les expertises techniques réalisées ont permis de reconstituer les circonstances de l’accident survenu le 17 février 2012 à 5 heures 45 hors agglomération ; que Freddy B… conducteur d’un véhicule Citroën AX circulait dans la voie la plus à droite dans le sens Nice-Carros à une vitesse estimée à 90 km/ h précédant un véhicule poids-lourd de marque IVECO conduit par M. Y… ; que pour une raison indéterminée le conducteur de la Citroën AX ralentissait et était percuté à l’arrière droit par le conducteur du poids-lourd en l’occurrence un tracteur IVECO circulant à une vitesse de 84 km/ h empiétant sur la bande d’arrêt d’urgence située à droite ; que simultanément le véhicule Citroën AX après avoir été percuté à l’arrière droit changeait de trajectoire pour partir en tête-à-queue et percuter le muret situé sur le terre-plein central et sous ce nouveau choc le véhicule AX se stabilisait sur la voie gauche en sens inverse sur son flanc gauche parallèle au mur en béton ; que quelques secondes après ce premier accident le véhicule Opel Astra conduit par M. X… circulant dans le même sens se déportait sur la gauche pour dépasser le poids lourd ; qu’après avoir fauché le conducteur du poids lourd qui se trouvait sur la chaussée pour porter secours au conducteur de l’AX, il percutait de plein fouet l’avant gauche de l’AX en provoquant un suraccident ; que le conducteur de l’AX Freddy B… décédait sur les lieux de l’accident sous l’impact du deuxième choc ; que l’exploitation vidéo établissait qu’avant le choc, le conducteur du poids-lourd ne semblait pas freiner, ce qu’il ne fera qu’après avoir percuté l’arrière du véhicule pour s’immobiliser quelques centaines de mètres plus loin ; que le contrôle technique du poids-lourd a permis de relever plusieurs défauts et anomalies conduisant à une interdiction de circuler en l’état ; que s’agissant de M. X…, il circulait à la vitesse de 98 à 100 km/ h sur un tronçon où la vitesse était limitée à 110 km/ h, qu’il percutait d’abord le tracteur puis projetait sur son pare-brise M. Y… qui se trouvait sur la chaussée et poursuivait sa course en percutant le véhicule Citroën AX qui se trouvait couché sur le côté gauche de la deuxième voie ; qu’au cours du choc le corps de Freddy B… a été projeté vers le volant puis violemment projeté vers l’arrière en provoquant la rupture de l’arrière de l’armature dossier du siège conducteur et a terminé sa trajectoire dans la partie arrière de la Citroën AX ; que les trajectoires successives du corps de Freddy B… indiquaient que celui-ci n’était plus maintenu par la ceinture de sécurité ; que l’expert émettait l’hypothèse la plus vraisemblable suivant laquelle la victime circulait avec sa ceinture de sécurité attachée mais qu’après avoir été heurté par le poids-lourd il avait eu le temps de se détacher pour tenter de s’extraire du véhicule puisqu’il n’était plus ceinturé au moment du choc avec l’Opel Astra ; que l’expert a ainsi remarqué qu’il n’était pas blessé ni contusionné au moment du choc arrière avec le poids-lourd, ce choc s’étant produit avec un différentiel de vitesse faible de l’ordre de 15 km/ h entre 2 véhicules en mouvement ; que ces accidents provoquaient outre le décès de Freddy B… conducteur de l’AX, de graves blessures au conducteur du poids-lourd M. Y… tandis que M. X… conducteur de l’Opel Astra qui conduisait sous l’emprise de stupéfiants en sortira indemne ;
– I) Le droit à réparation des ayants droits de Freddy B… : que le jugement déféré a déclaré M. Y…, M. X… et la SNC Z…Trasporti en la personne de Placido Z… entièrement responsables de l’intégralité des conséquences dommageables de l’accident ; que l’assureur de la SNC Z…considère que Freddy B… en décélérant brusquement a commis une faute de nature à entraîner une réduction du droit à indemnisation de ses ayants droit à hauteur de 50 % et que M. X… est responsable à 80 % du préjudice subi par Freddy B…, les 20 % restants demeurent à la charge conjointe et solidaire de M. Y… et de la société Z… ; qu’il a été établi en particulier par le rapport de M. E…, expert judiciaire, que Freddy B… au volant de son véhicule Citroën AX circulait sur la voie de droite à une vitesse estimée à 90 km/ h et a ralenti jusqu’à une vitesse de 70 km/ h au moment de la percussion par le poids-lourd ; que l’expert a précisé que le choc s’était produit avec un différentiel de vitesse faible de l’ordre de 15 km/ h entre deux véhicules en mouvement et que lors de ce choc relativement peu violent il n’aurait été que blessé ou contusionné et en capacité de pouvoir détacher sa ceinture de sécurité pour s’extraire du véhicule ; que l’expertise technique a établi que le tracteur IVECO et la semi-remorque conduits par M. Y… présentaient de graves défauts du chronotachygraphe et du limiteur de vitesse conduisant à une interdiction de circuler ; que l’enregistrement vidéo a permis de constater que le conducteur du poids-lourd n’a pas ralenti pour éviter le choc ; que tout conducteur doit être en mesure d’adapter sa vitesse aux conditions de circulation et aux obstacles prévisibles ; qu’en l’espèce M. Y… qui circulait à une vitesse supérieure à la vitesse maximale autorisée en conduisant un véhicule poids-lourd frappé d’une interdiction de circuler en raison de graves défauts relevés par les instances compétentes en la matière, n’a pas été en mesure de freiner à temps pour éviter la collision avec un véhicule qui a eu un faible ralentissement pour une raison indéterminée et que c’est cette faute de conduite commise par le conducteur du véhicule poids-lourd qui est à l’origine de la collision et de l’accident sans qu’aucune faute puisse être reproché au conducteur du véhicule percuté ; que le fait pour Freddy B… d’avoir détaché sa ceinture au moment de la collision avec M. X… expliqué par l’expert par la volonté supposée de s’extraire du véhicule n’est pas constitutif d’un comportement fautif en relation de causalité avec la collision survenue entre le véhicule de Freddy B… et celui de M. X… qui circulait en ayant fait usage de stupéfiants commettant une faute de conduite en doublant un camion qui avait les feux de détresse actionnés et alors que la chaussée n’était pas éclairée et percutait d’abord le poids-lourd puis M. Y… qui se trouvait sur la chaussée et enfin le véhicule AX de Freddy B… ; que l’indemnisation des ayants droits de Freddy B… ne saurait donc recevoir aucune limitation ; qu’il y a lieu de rejeter les moyens et chefs de contestation de la compagnie Milano Assicurazione assureur de la SNC Z… Trasporti SNC Di Z…Placido Ec et du bureau central français intervenants volontaires à l’instance ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré M. Y… M. X… et la SNC Z…Trasporti en la personne de Placido Z… entièrement responsables de l’intégralité des conséquences dommageables de l’accident survenu à Freddy B… ;
– l’indemnisation du préjudice moral des ayants droits de Freddy B… : qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a reçu la constitution de partie civile de Mme D…, veuve B…, d’Elodie B…, de Julien B… ;
– le préjudice d’affection de Mme B… : que le jugement déféré qui lui a alloué une somme de 25 000 euros sera réformé en allouant la partie civile la somme de 30 000 euros tenant compte de la durée du mariage de plus de 30 ans, et des circonstances de l’accident ayant provoqué la mort brutale de son époux en parfaite santé ;
– le préjudice d’affection d’Elodie et Julien B… : que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué à chacun des enfants majeurs Elodie B… et Julien B… la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral correspondant à une exacte indemnisation de celui-ci ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a alloué respectivement à Mme D…, Elodie B…, Julien B… la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; qu’y ajoutant, il y a lieu de condamner M. Y…, M. X… et la SNC Trasporti Di Z…Placido Ec et pour elle son représentant légal à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d’appel ;
– II) le droit à réparation de M. Y… : qu’il résulte des dispositions de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 que les victimes hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis sans que puisse leur être opposé leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ; que la qualité de piéton de M. Y… au moment de l’accident dont lui-même a été victime est contestée au motif qu’il s’agirait d’un accident complexe unique au cours duquel M. Y… aurait conservé sa qualité initiale de conducteur lorsqu’il avait été percuté par M. X… alors qu’il était descendu de son camion et se trouvait sur la chaussée pour porter secours à Freddy B… dont il venait de percuter le véhicule ; mais que les circonstances de l’accident ont été parfaitement décrites et analysées par l’enquête diligentée et les expertises techniques réalisées et que celui-ci s’est déroulé en deux phases distinctes séparées de quelques secondes ; que dans un premier temps le conducteur du poids-lourd M. Y… a heurté le véhicule conduit par Freddy B… et que dans un deuxième temps M. X… au volant de son véhicule Opel Astra circulant dans le même sens de circulation fauchait M. Y… qui se trouvait sur la chaussée et percutait de plein fouet le véhicule AX où se trouvait Freddy B… provoquant le décès de ce dernier ; qu’il ne s’agit donc pas d’un accident unique et indivisible ; qu’il n’est par conséquent pas contestable que M. Y… avait la qualité de piéton lorsqu’il a été percuté par M. X… après être descendu de son véhicule pour porter secours à Freddy B… ; que les dispositions de l’article 4 de la loi précitée ne peuvent lui être opposées et qu’aucune faute de nature à réduire ou exclure son droit à indemnisation ne saurait être retenue à son encontre ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a reconnu son droit à indemnisation intégral en déclarant M. X… responsable du préjudice qu’il a subi et ordonnant avant dire droit une expertise médicale en déclarant la décision opposable à sa compagnie d’assurances Pacifica ; que la décision déférée sera également confirmée sur le montant de la provision allouée à hauteur de 30 000 F et la somme accordée sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; qu’y ajoutant M. X… sera condamné à payer à M. Y… la somme de 2 000 euros correspondant aux frais irrépétibles engagés en cause d’appel ; que la responsabilité de M. X… ayant été reconnue et son obligation d’indemniser intégralement le préjudice subi par M. Y… ; qu’il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a condamné M. X… à payer à l’organisme de sécurité sociale italienne Istituto Nationale Per L’assicurazione Contro Gli Infortuni Sul Lavoro subrogé dans les droits de M. Y… victime d’un accident du travail la somme de 87 438, 51 euros au titre de son préjudice matériel dont elle justifie et sur la somme allouée au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ; qu’il y a lieu de rejeter toutes les demandes présentées par les parties sur le fondement de l’article 47-1 du code de procédure pénale à l’encontre de la compagnie d’assurances Pacifica, seul l’auteur de l’infraction et non son assureur pouvant être condamnés au paiement de telles sommes ;
” et aux motifs des premiers juges, à les supposer adoptés, que sur l’action civile : que M. Y…, M. X… et la SNC Z… Trasporti SNC Di Z…Placido Ec en la personne de Z… Placido sont déclarés entièrement responsables de l’intégralité des conséquences dommageables ;
” 1°) alors que les collisions successives intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, constituent le même accident au sens de la législation sur les accidents de la circulation ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt attaqué qu’alors qu’il circulait sur la voie la plus à droite d’une route située hors agglomération, le véhicule de Freddy B… a brusquement ralenti pour une raison indéterminée et a été heurté à l’arrière droit par le poids-lourd qui le suivait conduit par M. Y… ; qu’à la suite de ce choc, le véhicule conduit par Freddy B… a effectué un tête-à-queue, a percuté le muret situé sur le terre-plein central de la route et s’est immobilisé sur son flanc gauche ; que quelques secondes plus tard, le véhicule conduit par M. X…, assuré auprès de la compagnie Pacifica, qui se déportait sur la gauche pour dépasser le poids lourd, a percuté le conducteur de ce dernier qui était sorti de son véhicule et se trouvait sur la chaussée pour porter secours au conducteur du premier véhicule accidenté, puis a heurté l’avant gauche de la voiture de Freddy B…, ce dernier décédant sur les lieux du choc ; que, pour dire que les circonstances dans lesquelles les collisions s’étaient déroulées ne caractérisaient pas un accident unique, la cour d’appel a retenu que l’accident s’était déroulé en deux phases distinctes séparées de quelques secondes, le conducteur du poids-lourd, M. Y…, ayant dans un premier temps heurté le véhicule conduit par Freddy B…, et M. X… ayant dans un deuxième temps fauché M. Y… se trouvant sur la chaussée et heurté le véhicule à l’arrêt de Freddy B… ; qu’en statuant de la sorte, quand il résultait de ses propres constatations que les deux collisions étaient intervenues dans un même laps de temps et dans un enchaînement continu, ce dont il résultait qu’elles constituaient un accident unique, la cour d’appel a violé les articles 1er, 3, 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
” 2°) alors que la qualité de conducteur ou de piéton de la victime ne peut changer au cours de l’accident reconnu comme un accident unique et indivisible ; qu’en écartant cette qualification au motif inopérant que dans un premier temps, le conducteur du poids lourd M. Y… avait percuté le véhicule de Freddy B…, puis avait dans un second temps quitté son véhicule avant d’être heurté par celui de M. X…, la cour d’appel a encore méconnu les articles 1er, 3, 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
” 3°) alors que toute faute commise par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur exclut ou limite son droit à indemnisation ou celui de ses ayants droit ; que la faute du conducteur victime doit être appréciée indépendamment du comportement des autres véhicules impliqués dans l’accident ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que le véhicule de Freddy B…, qui roulait à une vitesse estimée à 90 km/ h, a brusquement et, pour une raison indéterminée, décéléré pour atteindre 70 km/ h, et qu’il a été percuté par le poids-lourd conduit par M. Y… qui le suivait ; que, pour dire que Freddy B… n’avait pas commis de faute de conduite, la cour d’appel a retenu qu’il résultait du rapport d’expertise judiciaire que le choc s’était produit à un différentiel de vitesse faible de l’ordre de 15 km/ h entre deux véhicules en mouvement, que lors de ce choc, il n’aurait été que blessé ou contusionné et en capacité de pouvoir détacher sa ceinture de sécurité pour s’extraire du véhicule, que M. Y…, qui circulait à une vitesse supérieure à la vitesse maximale autorisée, n’avait pas été en mesure de freiner à temps pour éviter le choc et que c’était cette faute de conduite qui était à l’origine de la collision ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel, qui a apprécié l’existence d’une faute de conduite de la victime Freddy B… au regard du seul comportement de l’autre véhicule impliqué dans l’accident, sans tenir compte de ses propres constatations desquelles il résultait que Freddy B… avait freiné brutalement et sans aucune raison, ce qui était de nature à caractériser une perte de maîtrise de son véhicule et donc une faute de conduite, a violé les articles 1er, 3, 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 ;
” 4°) alors que subsidiairement constitue une faute de conduite le défaut de maîtrise du véhicule, lorsqu’il n’est pas la conséquence d’un événement extérieur, irrésistible et imprévisible ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que le véhicule de Freddy B…, qui roulait à une vitesse estimée à 90 km/ h, a brusquement et pour une raison indéterminée décéléré pour atteindre 70 km/ h, et qu’il a été percuté par le poids lourd conduit par M. Y… qui le suivait ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter toute faute de conduite de Freddy B…, que le choc des deux véhicules avait été causé par M. Y… qui n’avait pas respecté la vitesse maximale autorisée et n’avait pas freiné à temps pour éviter la collision, sans analyser le comportement de Freddy B… et recherché s’il ne caractérisait pas une faute de conduite à l’origine de l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1er, 3, 4 et 6 de la loi du 5 juillet 1985, et insuffisamment motivé sa décision au regard de ces dispositions “ ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure, que le 17 février 2012, le véhicule conduit par Freddy B… qui circulait à Gattières (06510), dans le sens Nice-Carros a été percuté à l’arrière, par le poids lourd conduit par M. Y… qui le suivait ; que sa voiture est partie en tête-à-queue, a percuté le muret situé sur le terre-plein central et sous ce nouveau choc, s’est stabilisée sur la voie de gauche en sens inverse sur son flanc gauche parallèle au mur en béton ; que quelques secondes après ce premier accident, le véhicule Opel Astra conduit par M. X…, circulant dans le même sens, à une vitesse de 98 à 100 km/ h, s’est déporté sur la gauche pour dépasser le poids-lourd ; qu’après avoir projeté sur son pare-brise M. Y…, descendu de son camion, qui se trouvait sur la chaussée apparemment dans l’intention de porter secours au conducteur de la Citroën AX, il a percuté de plein fouet l’avant gauche de l’AX en provoquant un sur-accident au cours duquel Freddy B… a trouvé la mort ; que suivant jugement du 7 janvier 2015, M. X… a été déclaré coupable des faits d’homicide involontaire par conducteur ayant fait usage de stupéfiants ayant entraîné la mort de Freddy B… et de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois sur la personne de M. Y… par conducteur ayant fait usage de stupéfiants ; que M. Y… et son employeur ont été déclarés coupable d’homicide involontaire ; que le tribunal a prononcé les peines et sur intérêts civils ; qu’il a été relevé appel des dispositions civiles de cette décision par la compagnie Milano Assicurazioni, assureur de la société Z… Trasporti, le bureau central français, Mme D…veuve B…, Elodie et Julien B…, la compagnie d’assurances Pacifica, assureur de M. X… ;
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que pour écarter toute faute de conduite de Freddy B… de nature à entraîner une réduction du droit à indemnisation de ses ayant droits, l’arrêt retient d’une part, qu’il a été établi en particulier par le rapport de l’expert judiciaire, que Freddy B… au volant de son véhicule Citroën AX circulait sur la voie de droite à une vitesse estimée à 90 km/ h et a ralenti jusqu’à une vitesse de 70 km/ h au moment de la percussion par le poids-lourd, que l’expert a précisé que le choc s’était produit avec un différentiel de vitesse faible de l’ordre de 15 km/ h entre deux véhicules en mouvement et que lors de ce choc relativement peu violent il n’aurait été que blessé ou contusionné et en capacité de pouvoir détacher sa ceinture de sécurité pour s’extraire du véhicule, et d’autre part, que M. Y… qui circulait à une vitesse supérieure à la vitesse maximale autorisée en conduisant un véhicule poids-lourd frappé d’une interdiction de circuler en raison de graves défauts relevés par les instances compétentes en la matière, n’a pas été en mesure de freiner à temps pour éviter la collision avec un véhicule qui a eu un faible ralentissement pour une raison indéterminée et que c’est cette faute de conduite commise par le conducteur du véhicule poids-lourd qui est à l’origine de la collision et de l’accident sans qu’aucune faute puisse être reprochée au conducteur du véhicule percuté ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel qui a souverainement apprécié l’absence de faute de conduite de Freddy B…, au regard de son propre comportement, a justifié sans insuffisance sa décision ;
D’où il suit que les griefs doivent être écartés ;
Mais sur le moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que l’arrêt retient pour écarter la notion d’accident unique et dire que M. Y… avait la qualité de piéton au moment de l’accident dont lui-même a été victime, que les circonstances de l’accident ont été parfaitement décrites et analysées par l’enquête diligentée et les expertises techniques réalisées et que celui-ci s’est déroulé en deux phases distinctes séparées de quelques secondes ; que les juges ajoutent que dans un premier temps le conducteur du poids-lourd M. Y… a heurté le véhicule conduit par Freddy B… et que dans un deuxième temps M. X… au volant de son véhicule Opel Astra circulant dans le même sens de circulation a fauché M. Y… qui se trouvait sur la chaussée et percuté de plein fouet le véhicule AX où se trouvait Freddy B… provoquant le décès de ce dernier ; qu’ils concluent qu’il ne s’agit donc pas d’un accident unique et indivisible et qu’il n’est par conséquent pas contestable que M. Y… avait la qualité de piéton lorsqu’il a été percuté par M. X… après être descendu de son véhicule pour porter secours à Freddy B… ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que le véhicule conduit par M. Y… était impliqué dans la première collision et que la qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident complexe au cours duquel des collisions se succèdent dans un enchaînement continu et dans un même laps de temps, et qui constitue un accident unique, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 27 mai 2016, mais en ses seules dispositions ayant dit qu’aucune faute n’était imputable à M. Y… et ayant prononcé sur l’indemnisation de celui-ci, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de d’Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois mai deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 27 mai 2016
Titrages et résumés : ACCIDENT DE LA CIRCULATION – Accident complexe – Victime – Conducteur ou piéton – Qualité – Détermination – Portée
La qualité de conducteur perdure lors des différentes phases d’un accident complexe au cours duquel des collisions se succèdent dans un enchaînement continu et dans un même laps de temps, le tout constituant un accident unique
Précédents jurisprudentiels : Sur le principe selon lequel la qualité de conducteur de la victime ne peut changer au cours d’un accident de la circulation reconnu comme un accident complexe, dans le même sens que :2e Civ., 1er juillet 2010, pourvoi n° 09-67.627, Bull. 2010, II, n° 127 (cassation)
Textes appliqués :
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loi n° 85-677 du 5 juillet 1985