FIXER, ÉVALUER ET INDEMNISER LE PRÉJUDICE SEXUEL ?
Définition préjudice sexuel / Evaluation préjudice sexuel / Sexualité handicap lourd / indemnisation préjudice sexuel
Le préjudice sexuel de la victime accidentée est désormais reconnu et sera alors indemnisé intégralement…
→ Tentative de définition du préjudice sexuel
L’individualisation du préjudice sexuel est récente puisque jusqu’en 1982 celui-ci était inclus dans le taux d’I. P. P. accordé à la victime :
« La fonction sexuelle est une des fonctions de l’organisme. Elle ne peut faire l’objet de l’évaluation d’un préjudice particulier » (Barème du Concours Médical).
C’est à Louis MELLENEC que revient la première définition du préjudice sexuel :
« Le préjudice sexuel se définit comme l’impossibilité totale ou partielle où se trouve la victime, du fait des séquelles traumatiques qu’elle présente, soit d’accomplir l’acte sexuel, soit de procréer ou de se reproduire d’une manière normale« .
Le professeur Michel PENNEAU a rappelé les deux aspects principaux de la fonction sexuelle :
1) la fonction de plaisir qui résulte elle-même de trois éléments :
° l’envie ou libido
° la capacité physique à l’accomplissement de l’acte sexuel,
° la capacité à accéder au plaisir,
2) la fonction de procréation, qui peut, pour les femmes, se conjuguer sous diverses formes (ex : préjudice obstétrical : accouchement impossible sans césarienne).
° Evaluation : certes la « fonction sexuelle » peut, comme les autres fonctions du corps humain, être étalonnée selon un « taux d’incapacité fonctionnelle », chiffrable par rapport à un RINSE.
Mais cela est totalement abstrait et n’a aucun sens ; c’est le vécu concret des victimes, particulièrement « personnel » sur un tel sujet, qui peut seul guider une évaluation aussi personnalisée que possible.
Quoi de commun entre l’impuissance accidentelle d’un jeune mari et celle d’un moine ? Quoi de commun entre la stérilité accidentelle d’une jeune fille et celle d’une mère de famille nombreuse ?
L’indemnisation de ce poste est donc très variable si l’on analyse ces jugements, on se rend compte que l’indemnisation tient compte :
– de l’âge : on peut supposer que le préjudice est d’autant plus important que le sujet est plus jeune,
– du sexe : on peut admettre que l’impuissance est plus grave que la frigidité, car elle interdit les rapports sexuels, et rend difficile la procréation, alors que la frigidité n’interdit ni l’un ni l’autre.
– de la situation de famille : le préjudice est peut-être plus important pour une jeune fille célibataire que pour un homme d’âge mûr pourvu de femme et d’enfants.
→ Définition du Préjudice sexuel et ses composantes
Le préjudice sexuel est en réalité une atteinte à la sphère sexuelle, qui peut être de 3 ordres :
- préjudice morphologique caractérisé par l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires ;
- le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui prend en compte la perte de la libido, la perte de capacité physique à réaliser l’acte sexuel, et enfin, la frigidité qui consiste en la perte de la capacité à accéder au plaisir ;
- l’atteinte à la fonction de reproduction (impuissance sexuelle ou impossibilité physiologique.
→ Le Préjudice sexuel, un préjudice personnel et indépendant
Le préjudice sexuel est un préjudice extra-patrimonial permanent et il faut préciser qu’il a été exclu du recours des tiers payeurs par un arrêt Cass. Civ. 2 12 mai 2003 – le préjudice sexuel est un préjudice personnel non soumis aux recours des organismes sociaux.
Par ailleurs, le préjudice sexuel est un préjudice indépendant du préjudice d’agrément. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim. 14 juin 1990 n°89-84.721) a isolé le préjudice sexuel du préjudice d’agrément et consacré le principe de son indemnisation distincte..
Le préjudice d’agrément est l’impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Le préjudice sexuel, lui, comprend tous les préjudices touchant directement à l’intimité
Dans un arrêt Cass. Civ. 1ère 28 novembre 2018 N°17-26279, la Cour de cassation a bien précisé l’indépendance du préjudice sexuel.
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X… au titre d’un préjudice sexuel, après avoir relevé que celui-ci indemnise le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel et le préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer, l’arrêt retient que les experts n’ont pas fait état de ce préjudice, que le trouble indiscutable causé à l’intimité du couple par la nécessité de se soumettre à un parcours de procréation médicalement assistée constitue un préjudice temporaire déjà indemnisé dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire et que l’impossibilité de procréer a été réparée au titre du déficit fonctionnel permanent ; Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si Mme X… avait éprouvé un préjudice morphologique lié à une atteinte aux organes sexuels et, le cas échéant, s’il avait déjà été réparé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
Si le préjudice lié à la perte de plaisir n’était pas établi en l’espèce et si le préjudice lié à l’impossibilité de procréer n’était pas caractérisé dans la mesure où le couple avait pu avoir recours à une procédure d’aide médicale à la procréation, puis à l’adoption, le préjudice morphologique, quant à lui, était bien démontré, dès lors que la victime était atteinte d’anomalies utérines imputables au médicament.
Par conséquent, la victime était bien fondée à solliciter une indemnisation au titre de son préjudice sexuel dès lors que l’une des trois composantes de ce poste était remplie.
→ Le Préjudice sexuel et la perte de libido – Crim. 22 mai 2024, n° 23-82.958
La Cour de cassation a récemment affirmé que la simple altération de la libido constitue un préjudice sexuel réparable, même en l’absence :
° d’une perte totale ou définitive de libido
° de troubles de la procréation
° de preuves morphologiques
et suffit à obtenir réparation au titre du préjudice sexuel . Cette décision s’inscrit dans une continuité jurisprudentielle tout en apportant des précisions importantes.
Une victime d’accident de la route a vu sa libido diminuée en raison de la prise de médicaments psychotropes prescrits suite à l’accident. Le tribunal de première instance avait rejeté sa demande de réparation du préjudice sexuel, faute de preuve suffisante. La cour d’appel avait confirmé ce rejet, mais la Cour de cassation a cassé cet arrêt en se basant sur la nomenclature Dintilhac.
La Cour de cassation a jugé que le simple fait de prouver que la diminution de la libido découle du dommage corporel initial suffit à caractériser le préjudice sexuel. Ce préjudice inclut les altérations de la libido et des pratiques sexuelles, même si ces altérations ne sont pas totales.
Cette décision n’est pas une innovation totale mais plutôt une confirmation et une précision des positions antérieures de la Cour. Déjà, dans des arrêts antérieurs (Cass. 2e civ., 3 juin 2010, n° 09-13.246 et Cass. 2e civ., 17 juin 2010, n° 09-15.842), la Cour de cassation avait reconnu que le préjudice sexuel comprend les perturbations de la libido et des pratiques sexuelles résultant de dommages corporels.
Pour les avocats et les praticiens du droit, cette décision impose une attention particulière aux conséquences psychologiques des dommages corporels. Il est important de documenter et de prouver l’impact du dommage sur la libido, même en l’absence de troubles morphologiques évidents.
La reconnaissance par la Cour de cassation de l’altération de la libido comme préjudice sexuel réparable confirme la nécessité d’une réparation intégrale des préjudices corporels et psychologiques des victimes. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à élargir les critères de reconnaissance des préjudices pour une meilleure indemnisation des victimes.
→ Le Préjudice sexuel et la gêne positionnelle – Cass. Civ.2 4 avril 2019 n°18-13704
Souvent en cours d’expertise, le médecin-expert judiciaire, n’hésite pas à tirer des conséquences par voie de raccourcis dangereux. Il constatera par exemple qu’il n’existe aucun préjudice sexuel parce que telle ou telle victime a eu des enfants par la suite.
Le binôme « avocat dommages corporels / médecin-conseil de victimes » qui vous assistera ne manquera pas d’intervenir en formulant diverses observations ou en sollicitant l’intervention d’un médecin spécialiste des troubles sexuels.
Dans une affaire récente, en 2019, à la suite d’une expertise médicale judiciaire, le rapport médical de l’expert judiciaire désigné par le juge constate dans le cadre du préjudice sexuel une gêne positionnelle. Néanmoins la Cour d’appel considère qu’il existe une carence d’éléments de preuve puisqu’il n’y aurait qu’une simple gêne positionnelle. La cour de cassation casse l’arrêt et fait entrer la gêne positionnelle dans le préjudice sexuel.
Attendu que pour rejeter la demande de M. U… tendant à l’indemnisation de son préjudice sexuel, l’arrêt retient qu’aucun des éléments versés par celui-ci ne justifie qu’il soit fait droit à la demande de ce chef, étant relevé que l’expert n’a évoqué qu’une simple gêne positionnelle ; Qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice sexuel comprend l’ensemble des préjudices touchant à la sphère sexuelle, la cour d’appel, qui a constaté l’existence d’un tel préjudice, a violé le texte susvisé ;
La « gêne positionnelle » doit alors être indemnisée au titre du préjudice sexuel
→ Préparer l’expertise pour fixer et évaluer le préjudice sexuel
Votre avocat dommages corporels qui travaille en binôme avec un médecin-conseil de victimes, ne manquera pas de vous orienter en amont.
La victime accidentée consultera par exemple différents professionnels de santé capables de détecter les atteintes à la sphère sexuelle de la victime.
La victime se présentera alors à l’expertise avec différents documents médicaux attestant de troubles permettant alors à l’expert dans le cadre de sa mission, d’évaluer le préjudice sexuel. A défaut de compétences, ou à la demande de votre avocat dommages corporels, le médecin-expert pourra demander la désignation d’un médecin sapiteur. A LIRE : COMMENT SE DÉROULE UNE EXPERTISE MÉDICALE JUDICIAIRE ?
Autrefois les sujets sur le sexe, la sexualité et autres étaient tabous mais désormais, la discussion est ouverte et récemment la gêne positionnelle à même été considérée comme portant atteinte au préjudice sexuel.
Néanmoins, le médecin-conseil de victimes recevra en amont la victime, avant l’expertise donc, afin de recueillir ses doléances, la victime ayant quelques difficultés à s’exprimer sur sa sphère intime le jour de l’expertise et laisse transparaître de fausses relations…
Dans tous les cas, la consolidation est indispensable pour évaluer les postes temporaires et permanents du préjudice sexuel (Cass, Civ 2, 3 octobre 2019, n°18-19.332).
→ Le préjudice sexuel confronté au handicap lourd
En matière d’accidents de la route, les séquelles sont souvent très lourdes. Les victimes en situation de handicap lourd (traumatisés crâniens, traumatisés médullaires…) réalisent aussi différentes expertises et se pose à un moment le problème du préjudice sexuel.
La particularité repose sur le fait que les victimes en situation de handicap lourd disposent d’un dfp très important et souvent le préjudice sexuel est évalué trop rapidement et pour cause, la sexualité des personnes handicapées est un sujet trop souvent frappé de tabou.
« Entre liberté sexuelle d’un côté, et intégration des handicapés de l’autre, mon code balance » Avocat dommages corporels
Un bilan situationnel de l’ergothérapeute permettrait dans une telle situation d’évaluer la sphère intime et les solutions envisageables pour pallier le handicap dans la mesure du possible.
« Les personnes en situation de handicap ont, elles aussi, des désirs » Avocat dommages corporels
Si le recours aux assistants sexuels est toujours prohibé et passible d’une amende de 1500 euros car assimilé à de la prostitution, certaines associations permettent aux personnes en situation de handicap lourd d’avoir quelques complicités intimes. L’APPAS association pour la promotion de l »accompagnement sexuel dont la mission est « de faire entendre la voix des personnes handicapées souffrant d’isolement et de misère affective et sexuelle et de leur permettre d’accéder à l’expérience de l’exploration et de la découverte de leur corporéité à travers l’écoute, le toucher, les massages, les caresses, et si c’est leur choix et leur demande, par l’accompagnement sexuel ».
Néanmoins, si l’ensemble des frais dépensés (objets divers…) pourront être pris en charge par l’assurance du responsable, la prise en charge du coût de l’assistant sexuel sera très compliquée puisque illégal en l’état.
→ Le préjudice du conjoint, victime par ricochet de la victime accidentée
Le conjoint de la victime est une victime par ricochet à part entière et la jurisprudence n’hésite pas, depuis longtemps, à tenir compte des répercussions sur le couple.
La victime par ricochet demandera alors une indemnisation au titre du poste « préjudice extra-patrimonial exceptionnel » – Cass, Civ 1, 5 juin 2019, n°18-16.236, le Préjudice moral du mari en cas d’infertilité de l’épouse – Intègre le préjudice sexuel et le préjudice d’établissement (pas d’indemnisation distincte).
LES PRÉJUDICES ET DOMMAGES CORPORELS
POURQUOI CHOISIR UN AVOCAT DOMMAGES CORPORELS ?
Tout commence par un premier contact !
Contactez-nous, sans engagement, et en toute discrétion
N’hésitez-pas, après il sera trop tard,
3 rue Denis Poisson 75017 Paris
info@benezra.fr